Économie et société au début du 19e siècle

 

Durant cette période, les Acadiens vivent de la pêche, de la forêt et de l'agriculture, avec quelques variantes selon les régions. Au Nouveau-Brunswick, ceux du nord-est pratiquent les trois activités, alors que ceux du nord-ouest se limitent à la forêt et à l'agriculture, pour les Acadiens du sud-est, l'activité forestière compte peu, la pêche et l'agriculture comptant davantage. Dans la mesure où ces activités sont liées à une économie de marché, leur activité forestière et de pêche dépend des grands entrepreneurs qui les paient en jetons. Ces jetons sont ensuite utilisés par les bûcherons et les pêcheurs pour acheter des fournitures et de la nourriture dans les magasins de ces mêmes entrepreneurs, système qui passa pour oppressif.


Alors que les Maritimes connaissaient un «boom» économique dû surtout à la construction navale, les Acadiens ne réussirent pas à s'insérer dans cette économie de marché. Les suites de la Déportation perduraient pour certains d'entre eux. Nous avons vu comment le système de concession des terres avait forcé les Acadiens à se déplacer à nouveau sur l'Île du Prince-Édouard. La même chose devait arriver à Minoudie en Nouvelle-Écosse, au début du siècle. Les Acadiens qui s'y étaient établis durent quitter la région afin de pouvoir obtenir des titres de propriété. Au Nouveau-Brunswick, les Acadiens de la région de Memramcook ont appris qu'ils nétaient pas propriétaires de leurs terres. Pour légaliser leur statut, ces Acadiens durent racheter leurs terres en 1842. On comprend alors que ce siècle de l'enracinement sera pour les Acadiens une période où le «primum vivare, secundum philosophare» était de rigueur.

En 1803, Mgr Denaut, évêque de Québec, estimait la population acadienne à 7, 500 personnes réparties comme suit:

  • 1 000 habitants dans la région de la Baie Sainte-Marie
  • 500 h au Cap Sable
  • 1 500 h à Canseau et à l'île Madame
  • 350 h ailleurs au Cap-Breton
  • 350 h aux Iles-de-la-Madeleine
  • 750 h sur l'Île du Prince-Édouard
  • 1 100 h dans le sud-est du Nouveau-Brunswick
  • 2 000 h dans le Golfe Saint-Laurent


Du point de vue de l'éducation, il semble que la situation fut de beaucoup inférieure à ce qu'elle avait été sous le Régime français. En 1800, seulement 25% peuvent signer leur nom au bas d'un code de conduite promulgué par l'abbé Sigogne à la Baie Sainte-Marie; les autres doivent faire une croix à la fin de leur nom. À une époque où les provinces songent davantage à mettre sur pieds des universités plutôt qu'à organiser l'enseignement primaire (qu'on préfère laisser à l'initiative privée), il n'est pas étonnant que l'éducation se porte mal.

Les curés se font enseignants dans leurs presbytères ou dans leurs églises, tel le Père Sigogne, en Nouvelle-Écosse, qui organisa une école dans son presbytère pour les garçons; quant à sa servante, Scolastique Bourque, elle enseignait aux filles. Les enveloppes et les vieux livres servaient de matériel de classe. On y enseignait la lecture, l'écriture, le catéchisme, la grammaire, l'anglais et un peu de latin.

À côté des prêtres, des laïcs dispensaient leur léger bagage scientifique. Il s'agissait souvent de «maîtres ambulants» qui demeuraient dans un village quelques semaines ou quelques mois, le temps de dispenser tout leur savoir, puis ils se transportaient ailleurs. La Baie Sainte-Marie et le Madawaska connurent ce système de «maîtres ambulants». Il arrivait que des laïcs enseignent dans leur maison, tel Otho Robichaud de Nigaoueck (que l'on écrit Neguac aujourd'hui), ou encore Auguste Renaud, Français de France arrivé dans la région de Bouctouche vers 1850.

Quant aux lois scolaires, le progrès était lent. La première loi scolaire du Nouveau-Brunswick ne fut promulguée qu'en 1802. On octroyait deux livres sterling (cinq à six dollars) par paroisse civile. La loi fut amendée en 1805 alors que l'on fixa le nombre d'écoles à deux par comté, à la condition qu'une école ne puisse rester dans une même paroisse civile plus d'une année, sans doute pour favoriser les «maîtres ambulants». En 1819, la province introduisait le «système Madras», méthode d'enseignement venue des Indes et selon laquelle les élèves les plus avancés enseignaient aux moins avancés. Les villes surtout en profitèrent; il permit aussi tant bien que mal une certaine formation des maîtres, car la première École normale du Nouveau-Brunswick ne fut établie qu'en 1847.

C'est sur l'Île du Prince-Édouard que l'enseignement du français prit plus de temps à s'implanter dans les écoles: ce n'est qu'en 1816 que l'abbé Beaubien en organisa une à Rustico.



Source :
Petit manuel d'histoire d'Acadie, de 1755 à 1767, Librairie Acadienne, Université de Moncton, Léon Thériault, 1976


Dernière mise à jour : ( 29-07-2008 )