Introduction (déracinement)

 

Les historiens ont l'habitude de retenir 1755 comme la date charnières de l'histoire des Acadiens. Mais replacé dans le contexte global des provinces Maritimes, le phénomène de la "Déportation" apparaît plutôt comme la suite d'une série d'événements remontant au moins à 1749, c'est-à-dire à la fondation de Halifax (Nouvelle-Écosse) par les Britanniques.

Il faut se rappeler que de 1713 à 1749 la Nouvelle-Écosse péninsulaire, quoique appartenant légalement à l'Angleterre, n'en demeurait pas moins un territoire au visage français. Il y avait bien un gouvernement colonial anglais à Port-Royal, que l'on avait rebaptisé Annapolis Royal, mais son rayonnement ne dépassait pas beaucoup la capitale elle-même: les campagnes et ses habitants étaient restés français. Les Acadiens continuaient à vivre de la pêche, de l’agriculture, un peu de la traite des fourrures avec les Indiens, et ils s'administraient eux-mêmes dans une assez large mesure. À maintes reprises, l'Angleterre leur avait demandé de devenir des sujets britanniques par un serment de fidélité inconditionnelle. Les Acadiens s'y opposaient avec ténacité et ne voulaient prêter qu'un serment de fidélité conditionnelle: alléguant que les Anglais les avaient empêchés d'émigrer en territoire français comme le prévoyait une directive de la Reine Anne d'Angleterre, les Acadiens en effet ne voulaient consentir qu'à rester neutres en cas de conflit entre la France et l'Angleterre. Et l'Angleterre de demeurer impuissante devant ces nouveaux sujets qui voulaient rester neutres.

En 1749 cependant, l'Angleterre décide, une fois pour toutes, de "britanniser" sa colonie acadienne. Elle transfère sa capitale d'Annapolis Royal à Halifax, meilleur port de mer qui permet aux Britanniques de recommencer à neuf, loin des pressions acadiennes. De plus, elle entreprend, dès 1751, un effort d'immigration: elle mène sa campagne de publicité non seulement auprès des protestants de la Nouvelle-Angleterre, mais aussi dans les territoires allemands appartenant à la couronne britannique (fondation de Lunenburg, N.-É., en 1753). Enfin, elle ordonne à son gouverneur de mettre sur pieds des institutions de type britannique, en particulier une législature coloniale, ce qui sera chose faite en 1758 malgré les tergiversations du gouverneur Charles Lawrence.

Nouvelle capitale, nouveau stock d'immigrants pour contrebalancer l'influence acadienne, institutions de type britannique, tout cela ne réglait pas le "problème" acadien, mais indiquait clairement la détermination britannique d'en finir avec ces "French Neutrals". C'est ainsi que l'Angleterre demande encore une fois aux Acadiens un serment de fidélité inconditionnelle. Nouveau refus des Acadiens. Mais les événements allaient se précipiter. Anglais et Français avaient en effet commencé à s'affronter dans la vallée de l'Ohio dès 1754, ce qui, joint aux pressions de la forteresse de Louisbourg, menaçait de prendre l'Angleterre comme dans un étau. Que feraient, en cas de conflit, les Acadiens? Il fallait donc régler, du point de vue de l'Angleterre, le "problème acadien", et cela était d'autant plus facile que l'Angleterre avait accru son emprise en Acadie depuis 1749.

Ainsi alors s'explique la Déportation commencée à Grand-Pré en 1755 et qui ne devait se terminer qu'en 1761: un désir manifeste de l'Angleterre de "britanniser" sa colonie; la persistance des Acadiens a gardé leur qualité de Français; une conjoncture militaire qui apparaissait au départ défavorable aux Britanniques.

Sur les 8,000 à 10,000 Acadiens des provinces maritimes, les trois quarts furent soit déportés dans les colonies anglaises (États-Unis actuels), soit emprisonnées dans les prisons de Halifax ou de Londres. Le reste réussit à se réfugier dans les bois du Nouveau-Brunswick ou à fuir vers le Québec actuel.

 

 

 

 

 

Source :
Petit manuel d'histoire d'Acadie, de1755 à 1767, Librairie Acadienne, Université de Moncton, Léon Thériault, 1976


Dernière mise à jour : ( 12-07-2008 )