Simon Thibodeau

THIBODEAU (Thibaudeau), SIMON, potier, né vers 1739 à Pisiquid (maintenant partie de Windsor, Nouvelle-Écosse), fils d’Alexis Thibodeau et de Marie-Anne Blanchard ; décédé le 24 octobre 1819 à Saint-Denis, sur le Richelieu, Bas-Canada.

En 1755, à l’instar de nombreuses familles acadiennes, les Thibodeau sont déportés [V. Charles Lawrence*] et se retrouvent à Philadelphie. Ils s’installent ensuite à Boston vers 1763, puis à Québec en 1770. Simon Thibodeau a probablement suivi sa famille dans tous ses déplacements et fait son apprentissage dans les colonies américaines avec Pierre Vincent, parent de la famille et compagnon d’exil.

 En 1774, Thibodeau, alors maître potier, réside au faubourg Saint-Roch, où il achète une maison de bois « tombante en ruine », dans le but sans doute d’y établir sa boutique. Le 12 juin 1775, il épouse à Québec Marie-Anne Drolet, fille d’un maître forgeron. À l’automne de la même année, il s’engage dans la milice canadienne de Québec et, en décembre, avec ses concitoyens, il repousse l’attaque des troupes américaines sous le commandement de Richard Montgomery*.

En 1776, Thibodeau démontre son sens des affaires lorsqu’il décide de quitter Québec, où plusieurs potiers sont déjà installés, et d’acheter un lot à Saint-Denis afin d’y aménager un atelier. Il reconnaît ainsi le potentiel de la région pour un potier : c’est une zone rurale prospère située à proximité du marché de Montréal par la voie fluviale, et de celui des États-Unis par la rivière Richelieu. De plus, l’endroit s’avère riche d’une argile gris-bleu disponible le long des berges de même qu’en plein champ sous seulement un pied de profondeur.

À Saint-Denis, Thibodeau, bien au fait de la demande intérieure et des exigences du marché américain, mettra au service de son entreprise ses qualités d’homme d’affaires et d’artisan méticuleux. En 1785, il vend son premier emplacement à Louis Robichaud, également maître potier, et s’installe sur le bord de la rivière où l’argile, de meilleure qualité, est plus facile à extraire.

En plus de l’extraction de l’argile, le métier de potier comprend plusieurs tâches dont le façonnage des pièces, le séchage, le vernissage et la cuisson. Si le façonnage et la préparation de la solution servant au vernissage demeurent des prérogatives du maître, les autres tâches peuvent être exécutées par des apprentis. Thibodeau engage à cet effet Joseph Leprince en 1779 pour 6 ans, et Nicolas Prévot en 1788 pour 12 ans. L’atelier de Thibodeau fabrique des terrines, des bols, des cruches et des jattes d’usage domestique répondant aux besoins des habitants qui utilisent des objets de céramique pour la préparation, la cuisson et la conservation des aliments.

Les affaires de Thibodeau sont très prospères, et ce dernier investit son avoir dans des biens immobiliers. En 1783, il se fait concéder par les jésuites un emplacement dans le faubourg Saint-Roch, à Québec, qu’il fait arpenter l’année suivante dans l’intention d’y construire une maison. Il loue cette maison, à laquelle il ajoute une étable, à son beau-frère François Coupeaux en 1788 et la vend moyennant £240 en 1815. Thibodeau loue également son autre maison du faubourg Saint-Roch à un maître tonnelier. De plus, il acquiert une ferme, une terre à bois pour alimenter ses fourneaux en combustible et des lopins de terre dans la région de Saint-Denis.

Dans sa vie privée comme dans sa vie professionnelle, Thibodeau côtoie principalement des membres de sa famille et des artisans. Il continue notamment d’entretenir des relations avec Pierre Vincent qui devient en quelque sorte son agent à Québec chargé de percevoir ses loyers. À Saint-Denis, il se lie avec le notaire et député Louis Bourdages*, né de parents acadiens, qui, en 1810, avait écrit un pamphlet « séditieux » intitulé le Sincère Ami, dont il avait fait la promotion et auquel Thibodeau avait souscrit.

Marie-Anne, l’épouse de Thibodeau, meurt le 6 juin 1816. Elle avait donné naissance à six enfants, dont quatre étaient morts en bas âge. Thibodeau fait alors dresser l’inventaire de ses biens. Il possède l’équivalent de plus de 15 000ª en piastres espagnoles. Il détient en outre plusieurs créances et quatre terres dans la vallée du Richelieu. Sa maison est très grande, comparable en cela aux maisons des notables de village, ses meubles sont de bonne facture et ses biens témoignent de sa richesse et de son aisance. Un an après ce décès, Thibodeau, qui a abandonné son atelier, fait don de tous ses biens à son fils Joseph, marchand de Saint-Denis. En retour, il lui demande de le loger, de le nourrir et de lui fournir un cheval par année. Il enjoint également à son fils de le soigner et de lui procurer les secours spirituels.

Simon Thibodeau meurt le 24 octobre 1819 et est inhumé le lendemain à Saint-Denis. Aucun membre de sa famille n’a pris en main l’atelier pour assurer la continuité de sa production ; mais, Saint-Denis, devenu sous Thibodeau un lieu privilégié pour les potiers, le demeurera encore longtemps après son décès.

Jacqueline Roy


Source

L’auteure remercie Simon Courcy et Daniel Villeneuve, auteurs d’un mémoire d’ethnographie intitulé « Simon Thibaudeau, marchand-potier à Saint-Denis-sur-Richelieu (1776–1819) » et présenté à l’université Laval en 1973, de lui avoir aimablement prêté leur documentation.  [j. r.]
ANQ-M, CN1-88, 2 mars 1779 ; CN2–11, 20 févr. 1808, 18 oct. 1811, 26 juin 1813, 25 juin, 2 sept. 1816, 6 avril, 10 mai 1817 ; CN2–27, 28 mars 1798, 7 janv., 29 nov. 1800, 25 août, 7 sept. 1801, 17 sept. 1802, 7 nov. 1809, 19 mai 1817 ; CN2–41, 17 août 1776, 19 janv. 1782, 22 nov. 1785, 15 mars 1786 ; CN2–56, 11 juin 1788.— ANQ-Q, CE1-1, 12 juin 1775 ; CN1-25, 23 août 1783 ; CN1-26, 28 juin 1815 ; CN1-205, 8 mars 1774, 6 juin 1775 ; CN1-284, 29 juill. 1788, 11 août 1802, 20 févr. 1808.— AP, Saint-Denis (Saint-Denis, sur le Richelieu), Reg. des baptêmes, mariages et sépultures, 25 oct. 1819.— « La milice canadienne-française à Québec en 1775 », BRH, 11 (1905) : 237.— Michel Gaumond et P.-L. Martin, Les maîtres-potiers du bourg Saint-Denis, 1785–1888 ([Québec], 1978).— H. H. Lambart, Two centuries of ceramics in the Richelieu valley : a documentary history, Jennifer Arcand, édit. (Ottawa, 1970).
© 2000 University of Toronto/Université Laval
Source document :
Dictionnaire biographique du Canada en ligne
, Bibliothèque nationale du Canada et archives nationales du Canada

Dernière mise à jour : ( 20-01-2009 )