Les Acadiens: des sujets britanniques neutres

 

La principale préoccupation de l'administration anglaise de l'époque n'était donc pas de former un gouvernement démocratique à l'image de ses autres colonies, mais plutôt de faire des Acadiens des sujets britanniques en les liant par un serment d'allégeance. Ce fut là une des questions les plus épineuses auxquelles eut à faire face le gouvernement de la Nouvelle-Écosse.

À cause des problèmes politiques et religieux que connut l'Angleterre, les souverains, à différentes époques de leur règne, mais surtout à leur accession au trône, exigèrent un serment par lequel la population jurait fidélité au monarque. Cette pratique fut étendue à la Nouvelle-Écosse. De 1710 à 1713, le commandant Vetch tenta par toutes sortes de moyens de faire prêter un serment d'allégeance à la couronne britannique. Les Acadiens refusèrent d'agir aveuglément et exigèrent l'inclusion de réserves; notamment le respect de la religion catholique et leur neutralité dans tout conflit impliquant les Français et les Indiens. Le refus des Acadiens de prêter un serment sans réserve pouvait être interprété comme un acte de rébellion et passible de l'expulsion comme le menaçait Vetch. Il se ravisa par la suite, car si l'on chassait les Acadiens de la Nouvelle-Écosse, ils iraient renforcer les positions françaises de l'Île Royale ou de la Nouvelle-France.


La stratégie des Acadiens en était une de neutralité, car pour eux ni la France, ni l'Angleterre ne pouvaient offrir de garanties suffisantes quant à leur victoire finale. Vivant sur un territoire contesté, il valait mieux ne pas se compromettre et s'accommoder avec le plus fort. Dans le cas présent, les Acadiens n'avalent rien contre le serment d'allégeance, mais ils voulaient que l'on tienne compte de certains points qu'ils considéraient essentiels :

1) La foi catholique des Acadiens devait être respectée.
2) Les Anglais devaient reconnaître que les Acadiens vivaient en territoire indien et que les Indiens, complètement loyaux à la France, pouvaient commettre des actes de représailles contre tout Acadien accusé d'avoir porté les armes contre la France.
3) Les Acadiens avaient une histoire propre que les Anglais devaient respecter.


Cette façon de voir les choses, qui fut répétée maintes fois aux autorités anglaises par les délégués acadiens, démontre que les Acadiens voulaient faire connaître leur point de vue et avaient la certitude morale d'être dans leurs droits.


Les tentatives du gouverneur Philipps en 1720, du lieutenant-gouverneur Armstrong en 1726 et 1727 de faire prêter un serment d'allégeance sans réserve se buttèrent à des échecs. Ce n'est qu'en 1730 que, de guerre lasse, la condition posée par les Acadiens d'être neutres dans tout conflit futur fut acceptée verbalement. Pour témoigner aux autorités de Londres qu'il avait réglé la question, le gouverneur Philipps avait fait prêter le serment suivant sans y inclure la promesse verbale qu'il leur avait faite:

"Je promets et jure sincèrement en foi de chrétien que je serai entièrement fidèle, et obéirai vraiment sa Majesté le roi George le Second, que je reconnais pour le souverain seigneur de la Nouvelle-Écosse et de l'Acadie. Ainsi, Dieu me soit en aide".


Le curé d'Annapolis Royal, l'abbé Breslay, fit cependant faire un acte notarié de la promesse verbale. La question du serment semblait réglée. Philipps considérait qu'obtenir un serment avec réserve était préférable à nulle entente. De leur côté, les Acadiens avaient le sentiment d'avoir acquis un statut spécial : celui de Français neutres ou «French Neutrals» comme on les désigna à dès lors. Les Anglais avaient souscrit aux termes jugés acceptables par les Acadiens, concernant leur statut en Nouvelle-Écosse et on évitait de futures controverses administratives.

 

 



Source :

Petit manuel d'histoire d'Acadie, de1670 à 1755, Librairie Acadienne, Université de Moncton, Jean Daigle, 1976


Dernière mise à jour : ( 28-07-2008 )