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L'histoire acadienne, au bout des doigts

L'occupation Anglaise (1654-1670) Version imprimable

 

On se demande encore comment L'Acadie a pu subsister après autant de souffrances. Après les rivalités d'Aulnay - La Tour - Le Borgne, qui durèrent presque une vingtaine d'années, la voilà aux mains des Anglais pour encore seize ans. Et pourtant, s'y trouvaient déjà les colons acadiens qui ont donné naissance à la plus grande part du futur peuple acadien. À cette époque, quelques-uns de ceux que d'Aulnay avait amené de La Hève à Port-Royal en 1636 y résidaient toujours. D'autres avaient été des employés soit de d'Aulnay, de La Tour ou de Nicolas Denys finirent par s'y installer. On y trouvait déjà des familles très présentes aujourd'hui, comme les Boudreau, Bourg, Bourgeois, Breau, Brun, Comeau, Cormier, Dugas, Gaudet, Gautreau, Girouard, Hébert, Landry, LeBlanc, Petitpas, Poirier, Richard, Robichaud, Savoie, Thériault et Trahan. Charles de La Tour, l'année qui précéda la conquête de Sedgwick, avait établi deux fiefs à Pobomcoup dans la région du Cap Sable. L'un érigé en baronnie, la première en Acadie et la deuxième du Canada fut concédé à son major Philippe Mius d'Entremont; l'autre fut concédé à Antoine Hervieux, allié à un grand nombre de familles acadiennes dont les noms sont des plus connus encore aujourd'hui. En même temps, Charles de La Tour concédait à Amand Lalloue, sieur de Rivedou, pionnier de la pêche sédentaire en Acadie, les Îles de la baie Courante, et il le fit nommé par la suite lieutenant-colonel au fort du Port La Tour.


Sedgwick, lors de sa conquête, envoya Charles de La Tour prisonnier en Angleterre et rapatria Le Borgne en France, tandis qu'il laissa Nicolas Denys en paix dans la région du golfe Saint-Laurent, quoiqu'il eut encore des embarras avec d'autres de ses compatriotes. D'Angleterre, La Tour passa en France pour revenir en Acadie, où il est décédé en 1663 laissant cinq enfants de sa troisième femme, Jeanne Motin, qui en avait déjà eu huit de son premier mari. Afin de payer les dettes qu'il devait à certains marchands de Boston, il avait vendu ses droits d'Acadie, en 1656, à William Crowne qui devait arriver à Boston l'année suivante et à sir Thomas Temple qui, l'année suivante également, sera nommé gouverneur de l'Acadie, .


Au printemps de 1657 en effet, ce dernier s'embarquait à bord du vaisseau Satisfaction en Angleterre, commandé par le capitaine Peter Butler. Sir Thomas Temple venait remplacer à Boston John Leverett qui commandait temporairement le territoire conquis. Ayant fait enregistré ses lettres de créance à Boston le 16 juillet, il fit débarquer à la rivière Saint-Jean une partie de sa «compagnie» quelques jours plus tard, dont faisait partie Pierre Laverdure, protestant né en France, et son épouse Priscilla, Anglaise d'origine et de nationalité, ainsi que les parents de Pierre et de Charles Melanson, ancêtres des Melanson d'Acadie. D'ici, Temple s'en alla installer le reste de son monde à Port-Royal. Quant à lui-même, il préféra résider en dehors de l'Acadie, le plus souvent dans la région de Boston pendant tout son mandat.


En 1658, l'année qui suivit son arrivée, le nouveau gouverneur devait s'en prendre à l'un des fils d'Emmanuel Le Borgne et lui enlever le poste de La Hève où le père l'avait envoyé pour s'occuper de la traite. Emmanuel Le Borgne s'était cru autorisé de s'établir en Acadie du fait que le 10 décembre 1657 il avait reçu un brevet du roi de France le nommant gouverneur de l'Acadie, malgré l'occupation anglaise que la France ne voulait pas reconnaître. Le plus étrange est que de 1651 à 1670 il y eut onze personnes à être nommées, soit par l'Angleterre ou la France, à titre de gouverneur de l'Acadie, poste qu'ils devaient occuper successivement, quoique plus d'un à la fois en réclama le gouvernement. L'un de ces gouverneurs fut Alexandre Le Borgne de Belle-Isle que son père Emmanuel substitua à sa place dans les fonctions de gouverneur de l'Acadie le 28 mars 1668. Ce fils fera souche en Acadie, où encore aujourd'hui grand nombre d'Acadiens le comptent parmi leurs ancêtres. Sous prétexte qu'elle n'atteignait plus son but, Louis XIV fit disparaître la Compagnie de la Nouvelle-France qui ne comptait plus que quelques associés en 1663. Elle avait contribué à la colonisation canadienne et acadienne pour la somme d'un million deux cent mille livres au cours de ses 35 ans d'existence. L'année suivante, le roi voulut la reconstituer sur de nouvelles bases et lui donna un nouveau nom, celui de la Compagnie des Indes Occidentales, son champ d'action s'étendait du fleuve des Amazones jusqu'à la baie d'Hudson. Elle ne durera que dix ans.


Trois ans plus tard, le 31 juillet 1667, le traité de Bréda entre l'Angleterre et la France fut signé. Il stipulait que le roi de la Grande-Bretagne restituait au Roi Très-Chrétien «le pays appelé l'Acadie». Mais lorsque la France voulut reprendre son territoire, Temple s'y objecta, au moins pour ce qui est de toute l'Acadie, disant qu'elle comprenait seulement le territoire désigné comme tel du temps de Champlain, qui allait du Cap Sable au cap de Canseau. Il fallut que Colbert, secrétaire d'État à la maison de Louis XIV, intervienne auprès De Charles II d'Angleterre, qui en mars et en août 1669 signa la reddition des forts de Pentagoët, Saint-Jean, Port-Royal et Port La Tour.

Le 22 juillet 1669, le sieur de Grandfontaine recevait la commission de récupérer ces lieux et le 20 février suivant, il était nommé gouverneur de l'Acadie pour trois ans. Il s'embarqua à La Rochelle et s'en alla directement trouver Temple à Boston à qui il montra les lettres des rois de France et d'Angleterre. Il signa avec Temple, le 7 juillet 1670 un accord réglant les conditions de la restitution. Dès le début de septembre, tous les lieux en question étaient de nouveau entre les mains de la France.

Cela fait, Grandfontaine ayant révoqué l'autorité d'Alexandre de Belle-Isle, se rendit à Pentagoët où il établit sa capitale dans le but de mettre un terme aux empiétements de la Nouvelle-Angleterre en territoire acadien. Quoique l'Acadie devait connaitre une nouvelle ère de bien-être, le choix de Pentagoët ne fut pas des plus heureux. C'est ici, en effet, que quatre ans plus tard Jacques de Chambly, successeur de Grandfontaine, sera attaqué par les Hollandais de la Nouvelle York.

 

 


Source:
Petit manuel d'histoire d'Acadie - Des débuts à 1670, La Librairie Acadienne, Université de Moncton, Rev. Clarence-J. d'Entremont,1976


Dernière mise à jour : ( 30-07-2008 )
 
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