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L'histoire acadienne, au bout des doigts

Charles de La Tour au Cap Sable - Isaac de Razilly à la Hève (1630-1636) Version imprimable

 

On peut croire que lorsque Claude de La Tour fut capturé en mer par les Kirke en 1628, au moment où il s'en allait ravitailler son fils Charles au Cap Sable, comme conséquence de sa demande à la cour en 1627, peut-être même avait-il eu le temps déjà de remplir sa mission auprès de son fils. En France, on n'était pas sans savoir ce qui s'était passé en Acadie, tout comme en Nouvelle-France. On savait qu'en Acadie quatre des cinq places françaises avaient été prises par les Kirke, à savoir, Miscou, Thiebée, Port-Royal et Pentagoët, et que les Anglais occupaient en plus le port de la Baleine. On savait aussi qu'Alexander avait établi les siens à Port-Royal. Il ne restait donc qu'une place à la France, celle du Cap Sable. La Compagnie de la Nouvelle-France résolut donc de fortifier le Cap Sable, afin de s'en servir, le cas échéant, comme tremplin pour reprendre le reste de l'Acadie.

Charles de La Tour avait à peine repoussé les offres de son père, qu'il vit arriver à l'été de 1630 deux vaisseaux que la Compagnie de la Nouvelle-France avait fait équiper à Bordeaux pour aller ériger un fort au Cap Sable à l'endroit que Charles de La Tour jugerait le plus convenable. Ces vaisseaux, chargés des matériaux nécessaires à cette construction, amenaient des ouvriers et des artisans pour s'en occuper, en plus de trois Pères Récollets, le tout sous la conduite du capitaine Bernard Marot de Saint-Jean-de-Luz. On avait apporté également provisions, vivres, rafraîchissements et armes. Charles de La Tour ne crut mieux choisir, comme site de ce nouveau fort, que les Buttes-de-Sables actuellement comprises dans le village qui porte le nom de Villagedale sur la rive Est de la baie de Barrington, dite alors Baie de Sable. À partir de ces hauteurs, s'offre une vue splendide des deux entrées que crée l'île du Cap Sable insérée dans la baie. Le premier fort qu'érigea la Compagnie de la Nouvelle-France devait être immense; construit de pierres et de briques, il fut terminé pour l'hiver. Cette nouvelle habitation, comme on appelait alors ce type de construction, prit le nom de fort Saint-Louis.

Au cours des deux années qui suivirent, la Compagnie devait ériger à l'embouchure de la rivière Saint-Jean, encore pour le compte de Charles de La Tour, un autre fort qui sera terminé avant la fin d'octobre 1632. Il prit le nom de fort Sainte-Marie.

Ce fut au vaisseau, qui apporta les matériaux pour ce deuxième fort, que la cour confia le parchemin signé de Louis XIII, nommant Charles de La Tour lieutenant général de l'Acadie. Il était daté du 8 février 1631, La Tour le reçut le 16 juillet suivant.

Malgré tout, Richelieu s'inquiétait du fait que la Grande-Bretagne pouvait causer des difficultés à la France en raison des conquêtes des Kirke. Après deux ans de négociations, on en vint à un traité qui fut conclu à Saint-Germain-en-Laye le 29 mars 1632, par lequel le roi d'Angleterre promettait «de rendre et restituer à sa Majesté très-chrétienne tous les lieux occupés par les Anglais en la Nouvelle-France, l'Acadie et le Canada». Pour ce qui est de l'Acadie, une nouvelle ère s'ouvrait devant elle.

Le 4 juillet 1632, le commandeur Isaac de Razilly, chevalier de Malte, qui avait près de trente ans d'expérience dans la marine, partait de France avec quatre vaisseaux en destination de l'Acadie, accompagné de son parent et lieutenant Charles de Menou, sieur d'Aulnay et de Charnisay. Déjà en 1629, le capitaine Charles Daniel, frère du jésuite Antoine Daniel, l'un des martyrs canadiens, avait fait table rase au port de la Baleine où se trouvait Lord Ochiltree. Il avait élevé non loin de là le fort Sainte-Anne à Cibou. Voilà pourquoi Razilly se dirigea directement vers le sud de la péninsule acadienne pour prendre possession des autres postes, à savoir, Thiebée et Port-Royal. Il donna aux Écossais qui se trouvaient en ce dernier lieu, le temps voulu pour plier bagage et retourner chez eux. Quant à Pentagoët, il devait s'en occuper plus tard. Puis le 8 septembre 1632, il débarquait à La Hève pour y fonder une nouvelle colonie. Le groupe comprenait 300 personnes. On y comptait des Pères Capucins et sûrement Nicolas Denys. Ce dernier, au cours des cinquante ans qui vont suivre, se montrera l'une des plus belles et grandes figures de l'Acadie.


Charles de La Tour reçut au Cap Sable la visite du commandeur Razilly qui lui annonça son arrivée à titre de lieutenant général d'Acadie. Il partit aussitôt vers le milieu d'août 1632 pour La Rochelle, où il arriva après une traversée de 17 jours; son premier motif étant de régler la question de sa nomination et celle de Razilly comme lieutenant général de l'Acadie. II fut entendu que l'un et l'autre seraient lieutenant général, chacun ayant un territoire distinct. Charles de La Tour, après avoir fait du recrutement pour des colons, était de retour au fort Saint-Louis vers la fin de mai ou au début de juin 1633. Au mois de novembre 1632, le commandeur de Razilly, pour sa part, avait envoyé Charles d'Aulnay retrouver les Écossais qui se trouvaient à Port-Royal pour les rapatrier en Grande-Bretagne. Charles d'Aulnay, sa mission accomplie, dut arriver à La Rochelle vers le 24 janvier 1633. Après avoir fait à son tour, au nom de Razilly, de la propagande pour des colons, il repartit le 9 mars (1633) en direction de La Hève.

Isaac de Razilly, en laissant la France, s'était vu concéder la région de la rivière Sainte-Croix. Il semble qu'après avoir visité ces lieux, il opta de préférence pour La Hève où il donna à l'habitation principale qu'il y érigea le nom de fort Sainte-Marie-de-Grâce. Le 15 janvier 1635, Charles de La Tour recevait à son tour de la Compagnie de la Nouvelle-France le fort Saint-Louis du Cap Sable et le fort Sainte-Marie de la rivière Saint-Jean. Le 15 janvier de l'année suivante (1636), on lui concédait en plus le Vieux-Logis, situé au coin du sud-ouest du comté de Shelburne d'aujourd'hui, actuellement appelé Shag Harbour.

Isaac de Razilly, ayant installé confortablement ses gens à La Hève, pensa qu'il était temps d'aller retirer Pentagoët des mains des Anglais. C'est pourquoi en août 1635, il y envoya d'Aulnay qui s'occupa fidèlement de sa mission, même si au cours des mois suivants les Anglais auraient voulu reprendre ce poste.

Mais voilà qu'en même temps devait s'effondrer sur la colonie de La Hève un grand malheur. Vers le mois de novembre 1635 y décédait le commandeur de Razilly, ce qui apporta de grands changements en Acadie. Dès l'année suivante, semble-t-il, d'Aulnay, qui s'était arrogé les pouvoirs de Razilly, transporta la colonie à Port-Royal, tandis que Charles de La Tour alla s'installer en face, de l'autre côté de la baie Française, à son fort de la rivière Saint-Jean, laissant son père et sa femme au Cap Sable.

Il est possible que ces changements n'eussent pas lieu avant l'arrivée à La Hève du vaisseau Saint-Jehan qui mit les voiles à La Rochelle le 1er avril 1636. S'il est douteux qu'ait pris racine en Acadie l'une ou l'autre des 300 personnes qu'y amena de Razilly ou qui y arrivèrent au cours des trois années qui suivirent, par contre, un certain nombre des 78 passagers du Saint-Jehan s'établit en Acadie pour devenir les ancêtres de nombreux Acadiens d'aujourd'hui. Parmi ces passagers, il faut nommer Jeanne Motin, dont la soeur Anne avait épousé Nicolas Le Creux, sieur du Breuil, qui commandait l'expédition. Quant à Jeanne Motin, dès son arrivée en Acadie, elle épousa Charles d'Aulnay.



Source:
Petit manuel d'histoire d'Acadie - Des débuts à 1670, La Librairie Acadienne, Université de Moncton, Rev. Clarence-J. d'Entremont ,1976


Dernière mise à jour : ( 28-07-2008 )
 
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