GAY, JEAN-MARIE, prêtre catholique, né le 13 août 1830 à Chilly (France), fils de Joseph Gay et de Pétronile Bachet ; décédé le 30 juin 1901 à Versailles, France.
Jean-Marie Gay commença ses études classiques au collège de La Roche et les termina au collège d’Annecy en 1852. Après avoir fait sa théologie chez les sulpiciens à Orléans, il fut ordonné le 10 juin 1855 à Paris par l’évêque de Halifax, William Walsh. Apparemment, on le destinait au diocèse de Halifax.
Arrivé en Nouvelle-Écosse dans les derniers mois de 1855, Gay devint vicaire de la paroisse Sainte-Anne, dans la région de la rivière Tusket, à l’extrémité sud-ouest de la province. En février 1856, il s’installa dans la paroisse Saint-Michel à Bas-de-Tousquet (Wedgeport), une ancienne mission de Sainte-Anne. Appelé à Halifax au printemps de 1857, il y passa plusieurs mois, puis fut affecté à la paroisse Sainte-Croix, qui englobait alors Digby, Everette Settlement (Plympton), Saint-Bernard et Corberrie. Retourné à Bas-de-Tousquet en septembre 1859, il y resta huit ans. Il bâtit un nouveau presbytère en 1865 et mit en chantier une nouvelle église avant son départ. Comme il y avait peu de prêtres francophones en Nouvelle-Écosse au milieu du xixe siècle, on ne se surprendra pas que Gay ait exercé son sacerdoce dans des paroisses à prédominance acadienne. Ses dix années (1867–1877) à Minudie ne firent pas exception, quoique la population de langue française ait été en déclin à cet endroit.
Gay est renommé surtout en tant que curé de Sainte-Marie. Il assuma cette fonction en avril 1878 et devint ainsi le premier prêtre francophone à desservir Sainte-Marie depuis la mort de Jean-Mandé Sigogne en 1844. Cette vaste paroisse, qui englobait les villages bordant la baie St Mary, de Grosses Coques à Meteghan, de même que les localités de l’arrière-pays, fut subdivisée en deux en 1879, mais Gay continua de desservir toute la région. Il recueillit de l’argent et obtint à titre gracieux des matériaux et de la main-d’œuvre pour construire une église à Saulnierville dans la nouvelle paroisse du Sacré-Cœur. L’église fut terminée en 1882 et l’on mit le presbytère en chantier en 1884. Par ailleurs, Gay travailla à promouvoir la cause de la tempérance chez ses paroissiens.
Bon administrateur, Gay était un piètre orateur. Homme timide et discret, il aimait mieux jardiner et tailler ses arbres que monter en chaire. Pourtant, il impressionnait ses paroissiens par sa bonté, par sa simplicité et, surtout, par l’ardeur avec laquelle il soutenait les efforts déployés par les Acadiens en vue d’améliorer leur situation. En 1883, lorsque Mgr Cornelius O’Brien fit sa première visite pastorale dans la région, Gay lui parla de la nécessité d’y créer un établissement d’enseignement supérieur pour les jeunes Acadiens et suggéra de demander à un ordre de religieux francophones de le faire. Ses paroisses étaient les plus prospères du secteur ; il offrit de les céder aux prêtres en question pour qu’ils aient des revenus pendant l’établissement du collège. O’Brien ne réagit pas immédiatement, mais en 1886, il commença sérieusement à chercher une communauté. Par l’intermédiaire de quelques prélats, dont l’archevêque de Montréal Édouard-Charles Fabre, il pressentit les oblats de Marie-Immaculée, les rédemptoristes, les frères maristes, les eudistes et les salésiens, mais tous déclinèrent l’offre.
Néanmoins, le 17 juillet 1889, avec l’approbation d’O’Brien, un collègue et ami de Gay, Alphonse Parker, curé de Saint-Bernard, lança une campagne de financement au profit du nouvel établissement, qui allait être dédié à la mémoire de Sigogne. On organisa des loteries et des souscriptions, surtout pendant le congrès national des Acadiens qui se tint en août 1890 à Church Point, dans la paroisse Sainte-Marie. Gay sollicita avec succès d’autres dons et participa aux délibérations du congrès.
Entre-temps, les eudistes avaient changé d’avis. En France, le mouvement anticlérical avait réussi en 1889 à faire imposer le service militaire aux prêtres, aux membres des ordres religieux et aux séminaristes. Les persécutions menaçaient de s’intensifier contre le clergé. Les eudistes trouvaient donc avantageux d’ouvrir un collège qui, en plus, pourrait servir de refuge à leurs prêtres et étudiants en cas de besoin. Le 16 septembre 1890, Gustave Blanche et Aimé Morin arrivèrent à Church Point pour y fonder le premier collège de leur ordre en Amérique du Nord.
Gay n’avait pas été informé de la décision des eudistes, mais il reçut les prêtres cordialement. Comme Blanche le nota par la suite, il leur donna ses deux paroisses ainsi que « sa voiture, son cheval, ses vaches, etc. [...] toute sa récolte de paille et de foin [...], du linge, des couvertures, en un mot un presbytère tout monté ». Gay quitta les lieux discrètement au début d’octobre pour éviter toute démonstration d’affection de la part de ses paroissiens. Par la suite, il retourna à son ancienne paroisse, Saint-Michel, dans la localité qui portait alors le nom de Tusket Wedge (Wedgeport). Cependant, il ne cessa pas de se dévouer pour ce qui allait bientôt être le collège Sainte-Anne.
En 1892, au cours d’une cérémonie spéciale, le personnel et les étudiants du collège Sainte-Anne, unique établissement francophone d’enseignement supérieur en Nouvelle-Écosse, remercièrent Gay et Parker pour leur contribution à la fondation du collège en baptisant une salle en leur honneur et en posant des plaques commémoratives. À l’époque et par la suite, Gay reçut des témoignages de reconnaissance surtout pour avoir généreusement cédé ses paroisses aux eudistes et facilité l’installation de cette communauté au Canada. On sait moins que, au fil des ans, il donna au collège un total de 10 000 francs. De plus, en novembre 1899, il prêta au successeur de Blanche à la direction, Pierre-Marie Dagnaud, la somme de 20 000 francs pour l’aider à reconstruire le collège, détruit par un incendie en janvier. Gay fit aussi partie du conseil d’administration du collège.
Jean-Marie Gay quitta la Nouvelle-Écosse en juin 1901 pour revoir sa famille et son pays natal. La pleurésie qu’il avait contractée avant son départ s’aggrava à son arrivée à Paris. Cherchant du réconfort, il se rendit au collège eudiste Saint-Jean-de-Versailles ; Blanche l’y accueillit. Malgré tous les efforts que l’on déploya pour le soigner, il mourut d’une pneumonie. Les eudistes le traitèrent comme l’un des leurs ; ils l’inhumèrent dans leur cimetière après d’imposantes funérailles. Même dans la mort, Gay resta un bienfaiteur du collège Sainte-Anne. Il laissa de l’argent aux démunis de sa famille et pour des messes ; le reste, environ 800 $, était destiné au collège.
Paulette M. Chiasson
Source :
Arch. prov. des pères eudistes (Charlesbourg, Québec), AP-1, 1 (Personnes), J.— M. Gay ; 2 (Lieux), Church Point, N.-É. (mfm) ; PR-9 (fonds Alexandre Braud), 3.2 (« la Fondation du collège Sainte-Anne de Church Point et l’Arrivée des Eudistes en Acadie »).— Centre d’études acadiennes, Univ. de Moncton, N.-B., Fonds Placide Gaudet, 1.24-23, 1.57-16, 1.65-14, 1.69-18 ; Fonds V.[-A.] Landry, 7.1-23.— L’Évangéline, 17 juill. 1889, 24 juill., 1er, 28 août, 25 sept., 16 oct. 1890, 18 févr., 17 mars, 5 mai 1892, 4 avril 1895, 1er août 1901.— Le Moniteur acadien, 19 août 1890, 15, 26 avril 1892, 1er août 1901.— P.-M. Dagnaud, les Français du sud-ouest de la Nouvelle-Écosse [...] (Besançon, France, 1905).— [Wilfrid Haché], les Cinquante Ans du collège Sainte-Anne ([Church Point, 1940]) [LaPlante, cité ci-dessous, affirme que Haché en est l’auteur].— Léopold LaPlante, Chronique du collège Sainte-Anne ; les pères eudistes au service de l’Église et de la communauté (Yarmouth, N.-É., 1986).— René LeBlanc et Micheline Laliberté, Sainte-Anne, collège et université, 1890–1990 (Pointe-de-l’Église [Church Point], 1990).
© 2000 Université Laval/University of Toronto
Source document :
Dictionnaire biographique du Canada en ligne, Bibliothèque nationale du Canada et archives nationales du Canada
Source photo :
L'Illustration du journal Le Moniteur Acadien, Supplément illustré publié à l'occasion du 25e anniversaire de sa fondation, 1er juillet 1892, page 21
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