CyberAcadie

L'histoire acadienne, au bout des doigts

Intérêts français et anglais Version imprimable

 

La Vallière eut à compter sur les critiques formulées à son égard par la Compagnie de la Pêche Sédentaire ou Compagnie d'Acadie formée en 1682. Cette compagnie qui avait pour objectifs le développement de la pêche le long des côtes acadiennes ainsi que l'emploi d'une main-d'oeuvre locale pour le séchage et le salage du poisson voyait d'un mauvais oeil que l'administrateur de la colonie ne seconde pas leurs efforts dans le domaine de la pêche, mais au contraire, qu'il y contrevienne en vendant des permis, ce qui encourageait la main-mise des Anglais sur ce secteur d'activité.

Les plaintes de la Compagnie d'Acadie ne furent pas étrangères au rappel de La Vallière en 1684 et à son remplacement par l'ex-gouverneur de Montréal, François-Marie Perrot, qui semble-t-il, continua le même manège que son prédécesseur. La Compagnie d'Acadie connut, jusqu'à sa disparition au début du 18e siècle, une existence misérable et ne parvint jamais réaliser les objectifs qu'elle s'était donnés. Loin d'être à la source d'une industrie de pêche lucrative qui aurait encouragé à la fois les Acadiens et les métropolitains, elle fut en butte à toutes sortes de problèmes financiers et militaires qui firent d'elle une entreprise toujours occupée à tenter de se rescaper. Parmi les difficultés rencontrées, il faut souligner les attaques et la concurrence des colons américains, les dissensions internes, ainsi que la difficulté à trouver du capital.


La politique française de l'époque accordait une très grande importance aux relations indiennes. Ces derniers, premiers habitants de l'Acadie, se révélaient des personnes très utiles en temps de guerre comme en temps de paix. Que ce soit dans le domaine de la chasse ou de la pêche, les Indiens n'avaient pas leur pareil. Quant à la guerre de guérilla, pratique couramment utilisée par les Français, les Indiens se révélèrent des alliés précieux. On peut dire qu'en général, les Acadiens eurent des relations amicales avec la population indigène: cela était dû à l'influence des missionnaires auprès d'eux, aux présents (armes et objets courants) que le gouvernement français leur faisait parvenir ainsi qu'au fait que les Acadiens ne s'établirent pas sur leurs territoires de chasse et de pêche.

Deux grandes tribus indiennes, appartenant à la grande famille algonquienne du Canada, occupaient le territoire acadien. Dans la région de la Nouvelle-Écosse actuelle se trouvaient les Micmacs tandis qu'au Nouveau-Brunswick et au Maine les Abénaquis occupaient le territoire. Le Français Jean-François d'Abbadie de Saint-Castin exerça une très grande influence sur les Indiens de la rivière Pentagouet (Penobscot). Venant de la Nouvelle-France en 1670, il s'établit dans la région et épousa la fille d'un chef indien ce qui lui conféra une autorité incontestable. L'alliance des Français avec les Abénaquis de la région, grâce à la présence de Saint-Castin, fut très importante, car ces derniers mirent un frein à l'expansionnisme anglais dans la région tout en luttant aux côtés de la France lors des nombreuses guerres de la période. Cependant, l'alliance des Abénaquis avec les Français ne fut pas toujours encouragée par l'attitude désinvolte de la métropole qui ne se préoccupait des relations indiennes qu'en temps de guerre.

Il ne faut pas s'étonner de voir Saint-Castin et les Indiens de la région de Pentagouet vendre des fourrures aux Anglais. C'était là l'unique moyen d'obtenir ce qu'ils ne pouvaient recevoir de la France. Les Abénaquis et les Micmacs subirent le même traitement que les Acadiens: le désintéressement de la France en temps de paix.

Le commerce entre les Acadiens et le Massachusetts, même s'il était défendu, fut assez florissant au 17e siècle pour que des personnes des deux colonies s'y prêtent. Pour les Acadiens, c'était là le moyen d'écouler une production excédentaire de céréales (blé, avoine, etc.). Les stocks de fourrures acquis des Indiens permettaient de recevoir en échange des produits manufacturés (couteaux, aiguilles, vaisselle) et des denrées des Antilles (sucre, mélasse, rhum). Si des marchands et des pêcheurs du Massachusetts vinrent assurer le ravitaillement des Acadiens, quelques-uns de ces derniers se lancèrent eux aussi dans le commerce.

Ces audacieux Acadiens, que ni la guerre ou les menaces de saisie n'arrêtèrent, parvinrent avec ténacité et hardiesse à s'immiscer dans les échanges commerciaux entre les deux colonies. Le cas de Charles-Amador de Saint-Étienne de La Tour, établi au Cap Sable, le démontre bien. Il avait fait du commerce à Boston pendant quelques années des voyages. En 1696, son bateau fut saisi en pleine mer par des commerçants anglais rivaux et amené à Boston. Il perdit un premier procès, malgré des relations influentes dans la capitale puritaine. Déçu de la tournure des événements, il fut le premier Acadien à porter son cas devant la cour suprême de la colonie du Massachusetts. Malheureusement pour lui, il perdit sa cause et son bateau ainsi que les marchandises qu'il contenait furent confisqués.


Même si La Tour eut maille à partir avec les autorités du Massachusetts, beaucoup d'autres Acadiens continuèrent le système d'échange existant. Les activités de Pierre Dubreuil, de Louis Allain et Louis Aubert Duforillon le démontrent bien. À bien des égards, la colonie de la Baie française apparaissait bien plus comme un satellite économique de Boston que de Versailles. Ainsi, il ne faut pas s'étonner de voir tout l'intérêt que suscitait l'Acadie pour la colonie anglaise.

 

 



Source:
Petit manuel d'histoire d'Acadie de 1670 à 1755, La librairie Acadienne de l'Université de Moncton, Jean Daigle, 1976


Dernière mise à jour : ( 28-07-2008 )
 
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