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L'histoire acadienne, au bout des doigts

Nicolas Gautier Version imprimable

GAUTIER, NICOLAS (on rencontre parfois Joseph-Nicolas), marin, administrateur de port et officier de milice, né le 31 août 1731 à Annapolis Royal, Nouvelle-Écosse, fils de Joseph-Nicolas Gautier*, dit Bellair, et de Marie Allain ; décédé le 6 novembre 1810 à Saint-Malo, France.

Nicolas Gautier était le troisième fils d’une famille acadienne illustre pour ses luttes contre la domination britannique, et sa vie personnelle fut continuellement perturbée d’une façon ou d’une autre par les grands conflits impériaux entre la France et la Grande-Bretagne au cours du xviiie siècle. Lorsque la guerre de la Succession d’Autriche s’étendit en Amérique du Nord en 1744, le père de Gautier appuya la cause française et, avec ses deux fils aînés, Joseph et Pierre, prêta main-forte aux forces françaises. Il fut alors mis hors la loi et ses biens furent détruits ; en 1748, il alla s’établir avec sa famille à l’île Saint-Jean (Île-du-Prince-Édouard) où il mourut en 1752.

Joseph-Nicolas Gautier avait été un pilote expert et il transmit ses connaissances ainsi que ses sentiments antibritanniques à ses fils Pierre et Nicolas. Dès 1751, ce dernier était à l’emploi de Claude-Élisabeth Denys* de Bonnaventure, commandant de l’île Saint-Jean, effectuant des missions de reconnaissance et transportant des réfugiés acadiens dans l’île. De 1752 à 1756, il occupait le poste de second capitaine de port à Port-La-Joie (Fort Amherst, Île-du-Prince-Édouard). Par la suite, il fut capitaine d’une corvette. Lorsque les Britanniques assiégèrent Louisbourg, île Royale (île du Cap-Breton), en 1758, il utilisa ce navire pour tenter de maintenir des moyens de communication et d’approvisionnement entre la forteresse, son avant-poste à Port-Toulouse (près de St Peters) et l’île Saint-Jean.

La capitulation de Louisbourg aux mains d’Amherst* et d’Edward Boscawen le 26 juillet entraîna la cession de l’île Saint-Jean [V. Andrew Rollo*] ; Gautier et sa famille s’enfuirent sur la terre ferme. À Restigouche (Québec), il rejoignit son frère aîné Pierre dans la milice comme aide-major ; il y avait là quelques troupes de la Marine sous le commandement de leur beau-frère Jean-François Bourdon* de Dombourg. Après la capitulation générale à Montréal le 8 septembre 1760, celles-ci retournèrent en France ; quant à Gautier, il demeura à Restigouche jusqu’en octobre 1761. C’est alors qu’à la suite d’une attaque éclair, le capitaine Roderick MacKenzie, commandant du fort Cumberland (près de Sackville, Nouveau-Brunswick), captura environ 300 Acadiens, parmi lesquels se trouvaient Gautier et son jeune frère Jean-Baptiste, et les transporta à Halifax.

Gautier épousa à Halifax Anne, fille de Joseph Leblanc*, dit Le Maigre, et ils eurent au moins six enfants. Ce n’est qu’en 1766 qu’ils purent retourner en territoire français. Ils rejoignirent alors Pierre Gautier et un bon nombre d’Acadiens déportés aux îles Saint-Pierre et Miquelon, redevenues possession française en 1763 afin de servir de ports aux flottes de pêche françaises [V. François-Gabriel d’Angeac*]. Pierre Gautier avait eu une carrière un peu plus active que celle de Nicolas : il appuya, à l’instar de son père, la cause française durant les années 1740 ; à plusieurs occasions, il effectua des reconnaissances militaires à Halifax, rapportant, de temps à autre, des scalps de Britanniques ou les faisant prisonniers ; au cours de l’hiver de 1755–1756, il effectua même un pénible voyage par terre aller-retour de Shédiac à Québec, pour livrer des dépêches officielles. Il loua aussi ses services au gouvernement français comme entrepreneur : de 1763 à 1766, il fit trois voyages entre la France et Saint-Pierre, transportant des fournitures pour servir à l’édification de la nouvelle colonie. En 1766, on lui offrit comme récompense le poste de capitaine de port des îles, charge qu’il avait assumée antérieurement à l’île Saint-Jean. Toutefois, il ne demeura pas à Saint-Pierre. En effet, en 1769, il était devenu évident qu’un trop grand nombre d’Acadiens devaient compter sur les maigres ressources de la colonie pour vivre, et le gouvernement français en rapatria un bon nombre en France. Pierre Gautier partit, peut-être pour inciter les autres à faire de même, mais il ne s’installa pas en France. Cette même année, il fut nommé capitaine du port de Gorée (au large de la côte du Sénégal) où il mourut en 1773 ou au début de 1774.

Nicolas Gautier s’établit avec sa famille à l’île Miquelon comme pêcheur et, selon des références figurant au registre du recensement, il fut aussi pilote côtier. Il semble que sa vie fut sans histoire, consacrée à sa famille grandissante et à son travail quotidien. Mais les choses changèrent brusquement le 13 septembre 1778. Ce jour-là, en effet, par suite de la déclaration de guerre à la Grande-Bretagne par la France, au cours de la Révolution américaine, les Britanniques envahirent les îles, amenèrent rapidement le gouverneur Charles-Gabriel-Sébastien de L’Espérance* à capituler et transportèrent les habitants en France. Ils y demeurèrent jusqu’à ce que les îles fussent rétrocédées à la France en 1783. Gautier fut alors nommé lieutenant de port à l’île Miquelon, au salaire annuel de 800ª. Même s’il semble avoir occupé le poste de capitaine de port de l’île Saint-Pierre pendant plusieurs années, sa nomination officielle ne lui parvint pas avant 1792. Peu après, soit le 14 mai 1793, plusieurs vaisseaux de guerre britanniques ayant à bord des troupes aux ordres de James Ogilvie s’emparèrent de l’île Saint-Pierre et, une fois de plus, la population fut déportée. Gautier s’établit à Saint-Malo, travaillant comme pilote, semble-t-il, et il y demeura jusqu’à la fin de ses jours.

Même s’il était exceptionnel chez les Acadiens de trouver une famille aussi totalement dévouée à la cause française, il n’en demeure pas moins que les épreuves, souffrances et déportations résultant des rivalités impériales franco-britanniques que durent subir les Gautier ne furent pas épargnées aux Acadiens en général. Nicolas Gautier dut s’expatrier à six reprises durant sa vie comme conséquence directe de quatre guerres différentes ; son frère aîné, Joseph, s’établit près de Bonaventure (Québec), sur la côte de Gaspé ; Pierre mourut en Afrique ; leur frère cadet Jean-Baptiste s’installa à Rustico (Île-du-Prince-Édouard) et une de leurs sœurs, Marguerite, mourut en France.

Andrew C. Rodger


Sources:

AN, Col., B, 120 : f.361v. ; 123 : f.4 ; 125 : ff.57, 63v., 100 ; C11B, 30 : 21, 31 (transcriptions aux APC) ; C12, 22 : ff.44v., 60v. ; E, 200 (dossiers Pierre Gautier, Nicolas Gautier) ; F3, 54 : f.469v. ; Section Outre-mer, G1, 413 ; 458–459 ; 463 : ff.5, 118.— Les derniers jours de l’Acadie (1748–1758), correspondances et mémoires : extraits du portefeuille de M. Le Courtois de Surlaville, lieutenant-général des armées du roi, ancien major des troupes de l’île Royale, Gaston Du Boscq de Beaumont, édit. (Paris, 1899).— « Documents : recensements de 1760 », R.-S. Brun, édit., Rev. d’hist. de la Gaspésie (Gaspé, Québec), 8 (1970) : 30–36.— Placide Gaudet, « Généalogies des Acadiens, avec documents », APC Rapport, 1905, II, iiie part. : 174.— [Joseph] de La Roque, « Tour of inspection made by the Sieur de La Roque ; census, 1752 », APC Report, 1905, II, part. i : 88.— Arsenault, Hist. et généal. des Acadiens (1978).— J.-H. Blanchard, Rustico : une paroisse acadienne de l’île du Prince-Édouard ([s.l., 1938]).— J.-Y. Ribault, Les îles Saint-Pierre et Miquelon des origines à 1814 (Saint-Pierre, 1962) ; « La population des îles Saint-Pierre et Miquelon de 1763 à 1793 », Rev. française d’hist. d’outre-mer (Paris), 53 (1966) : 5–66.
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Source document :
Dictionnaire biographique du Canada en ligne, Bibliothèque nationale du Canada et archives nationales du Canada

Dernière mise à jour : ( 22-02-2009 )
 
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