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L'histoire acadienne, au bout des doigts

Difficile neutralité Version imprimable

 

La décennie entre 1740 et 1750 fut marquée par la guerre. Alors qu'en Europe la France et l'Angleterre se battaient autour de la question de la succession d'Autriche, les coloniaux américains se lancèrent eux aussi en guerre. Les autorités de Louisbourg croyaient que les Acadiens se joindraient aux troupes françaises pour déloger les Anglais. Cette opinion avait prévalu lors de la construction de la forteresse sur l'Île Royale, estimant qu'on obtiendrait le soutien des Acadiens dans une guerre offensive en Nouvelle-Écosse. Bien entendu, cette conception ne tenait pas compte du point de vue des Acadiens. Pour leur part, les autorités anglaises d'Annapolis craignaient le pire, c'est-à-dire que les Acadiens se soulèvent en masse.

La réaction des Acadiens durant la guerre de succession d'Autriche déjoua tous les pronostics. On peut expliquer leurs agissements par de la politique adoptée lors de la question du serment et aussi à cause de leur passé historique. La population française de la Nouvelle-Écosse considérait qu'elle avait obtenu un statut légal en 1730 en prêtant un serment avec réserve : pour être conséquent avec l'engagement pris, la neutralité, dans le conflit opposant les deux métropoles, était obligatoire. D'un autre côté, les Acadiens avaient appris au cours de leur existence qu'aucune des deux puissances (France et Angleterre) n'avaient offert de garanties suffisantes quant à une victoire. Il était donc préférable de vivre dans l'expectative et, pour éviter des représailles, respecter l'engagement de neutralité. Certains Acadiens collaborèrent d'un côté comme de l'autre, mais dans l'ensemble, la très grande majorité resta neutre.

La guerre entre l'Angleterre et la France fut déclarée le 15 mars 1744. Les autorités françaises de Louisbourg furent les premières à apprendre la nouvelle en Amérique et lancèrent une attaque surprise sur le poste de pêche de Canso près du détroit du même nom. Puis au mois d'août, deux officiers de la forteresse furent dépêchés à Annapolis Royal dans le but de prendre la ville. L'entreprise ne réussit pas, car les Anglais avaient eu le temps d'accélérer les travaux de fortification. Les Français sans canon d'assaut causèrent peu de dommages, d'autant plus que les Acadiens ne les appuyèrent pas et que les forces anglaises reçurent des renforts de Boston durant le siège. Voyant cela, les Français levèrent le siège et retournèrent à l'Île Royale.


En 1745, ce fut au tour de la Nouvelle-France de faire une offensive en Nouvelle-Écosse. À cette fin, on envoya le sieur de La Malgue, accompagné de 100 miliciens et de 400 Indiens qui se rendirent à Beaubassin par voie de terre en plein hiver. Puis, traversant tous les établissements acadiens pour y trouver des recrues, la troupe se présenta devant Annapolis en mai. Le siège dut être levé à la fin du mois parce que le commandant de La Malgue avait reçu l'ordre de se rendre de toute urgence à Louisbourg qui était attaqué par des troupes de la Nouvelle-Angleterre.


Depuis le début de la guerre en Europe, les colons américains cherchaient l'occasion de faire disparaître la présence française en Amérique notamment la Nouvelle-France. Avant d'y arriver, il fallait frapper Louisbourg qui était le centre de défense français à l'entrée du golfe Saint-Laurent. Les colons américains étaient d'autant plus intéressés à attaquer Louisbourg que sa présence dans le circuit commercial de l'Atlantique avait perturbé l'économie de la Nouvelle-Angleterre. Avec beaucoup d'adresse, le gouverneur Shirley du Massachusetts parvint à vaincre les résistances formulées contre une attaque de Louisbourg, considéré comme le Gibraltar de l'Amérique, et à mettre sur pied un contingent de 4,000 miliciens provenant du Massachusetts en majorité. Ces volontaires, commandés par William Pepperell, étaient accompagnés d'une flotte britannique composée de 10 vaisseaux de guerre. Après un siège de 45 jours, Du Chambon, gouverneur de Louisbourg, dut capituler à cause du manque de discipline des troupes françaises et de la difficulté de se procurer du ravitaillement.


L'amateurisme des troupes anglaises fut partout évident; la prudence fit place à l'audace, les termes de la capitulation ne furent pas respectés et les miliciens anglais se livrèrent à un pillage en règle de la forteresse. Ainsi donc, s'explique la capture de Louisbourg en 1745, un désir de la part des miliciens de s'enrichir rapidement, la volonté par d'autres personnages importants tels les officiers et les marchands de se substituer aux Français dans le circuit commercial de la ville portuaire ainsi qu'un prosélytisme religieux qui fit voir à plus d'un la victoire du protestantisme sur le «papisme».

Louisbourg se révéla par la suite beaucoup plus meurtrier que la bataille pour les miliciens anglais qui y furent laissés en garnison. Plus de mille d'entre eux périrent jusqu'en 1749 à cause des mauvaises conditions sanitaires et climatiques, ainsi que des difficultés de ravitaillement.

La nouvelle de la capture de Louisbourg causa la consternation chez les Acadiens et les força à marcher plus dangereusement sur la corde raide de la neutralité. Les informations suivant lesquelles une attaque combinée de la France et de la Nouvelle-France pour reprendre l'Île Royale et la Nouvelle-Écosse en 1746 ne pouvait que leur inspirer de l'inquiétude. La France voulait frapper un grand coup. Elle avait chargé le duc d'Anville du commandement d'une flotte comprenant 72 bateaux et environ 7,000 hommes. Un officier de la Nouvelle-France, Ramezay soutenu par 750 soldats, devait lancer une attaque contre la capitale de la Nouvelle-Écosse par voie de terre. Arrivé à Annapolis Royal pendant l'été 1746, Ramezay apprit une nouvelle qui le força à retourner dans la région de Beaubassin. La flotte française avait été décimée par une terrible tempête sur mer qui fit périr près de la moitié de ses effectifs et dispersa ses bateaux aux quatre vents. Le commandant mourut en arrivant en Nouvelle-Écosse ce qui décida les survivants à retourner en France.


Les Anglais en avaient été quittes pour la peur. Afin de stabiliser la situation en Nouvelle-Écosse, le lieutenant-gouverneur Mascarene décida d'envoyer une garnison aux Mines durant l'hiver 1746-47. C'était l'occasion rêvée pour les troupes de Ramezay qui quittèrent Beaubassin en janvier 1747 et attaquèrent durant la nuit les soldats des Mines qu'ils forcèrent à se rendre après 36 heures de combats acharnés. C'était une victoire française, mais la guerre n'était pas gagnée.

 

 

 


Source :
Petit manuel d'histoire d'Acadie, de1670 à 1755, Librairie Acadienne, Université de Moncton, Jean Daigle, 1976

Dernière mise à jour : ( 28-07-2008 )
 
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