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L'histoire acadienne, au bout des doigts

François-Marie Perrot (Gouverneur de 1684 à 1687) Version imprimable

 

PERROT, FRANÇOIS-MARIE, seigneur de Sainte-Geneviève, gouverneur de Montréal (1669–1684) et de l’Acadie (1684–1687). Né en 1644 à Paris, mort en 1691.

Il était capitaine au régiment de Picardie. En 1669, il épousa Madeleine Laguide Meynier, nièce de Jean Talon, dont il eut six enfants. Grâce à l’influence de Talon, il fut nommé gouverneur de Montréal par les seigneurs de l’île, les Messieurs de Saint-Sulpice, pour succéder à Paul de Chomedey de Maisonneuve.

Accompagné de sa femme et de son oncle Talon, Perrot partit de La Rochelle le 5 juillet 1669, mais le navire ayant fait naufrage sur les côtes du Portugal, Perrot et ses compagnons durent rentrer en France. Le 20 avril 1670, à la suite de la nomination de M. de Bretonvilliers à titre de supérieur des Sulpiciens de Paris, il reçut du roi la commission de gouverneur de Montréal. À la mi-mai 1670, il partit de nouveau de La Rochelle, accompagné de Talon, mais sans son épouse, pour arriver à Québec le 18 août. À son arrivée à Montréal, Dollier de Casson, supérieur du séminaire des Sulpiciens, fit cette remarque : «Comme c’est un gentilhomme fort bien fait et de naissance, son arrivée nous a tous donné sujet d’en beaucoup espérer». Cet espoir des Sulpiciens devait être gravement déçu, comme le fut celui des créanciers de Perrot. Lorsqu’ils eurent recours aux tribunaux afin de saisir ses biens, il obtint du roi, en juillet 1671, des lettres d’État qui le mettaient à l’abri de la confiscation pendant la durée de son service au Canada parce qu’il se trouvait alors incapable de défendre ses intérêts en personne devant les tribunaux de France. Mais, c’était là la façon habituelle de procéder pour les officiers servant à l'étranger.

En 1671, Perrot accompagna Rémy de Courcelles, gouverneur général de la colonie, jusqu’au lac Ontario pour ordonner aux Iroquois de cesser leurs attaques contre les tribus indiennes alliées aux Français et d’abandonner leur projet d’attaquer les établissements français. L’audacieuse expédition de Courcelles atteignit son but qui était d’éviter la guerre. L’année suivante, Perrot obtint, en concession seigneuriale, la grande île située au confluent de la rivière des Outaouais (Ottawa) et du Saint-Laurent qui porte maintenant son nom. Il y établit un poste de traite et employa des coureurs de bois pour devancer les trafiquants de fourrures de Montréal. Les édits royaux régissant la traite des fourrures interdisaient de telles entreprises, mais lorsque les habitants de Montréal se mirent à protester contre ses agissements, Perrot eut recours à la force pour leur faire abandonner la partie.

En 1673, Frontenac [V. Buade] établit, au lac Ontario, un poste de traite qui constituait une menace bien plus grave pour les commerçants de Montréal que l’activité illégale de Perrot et qui suscita un ressentiment bien plus considérable. Perrot et les gens de Montréal protestèrent avec énergie et, pendant quelque temps, ils s'unirent en s'opposant à Frontenac. Pour étouffer cette résistance, Frontenac fit arrêter Perrot, dans des circonstances assez louches [V. Bizard et Salignac], puis il ordonna au Conseil souverain de formuler des accusations contre lui et de lui intenter un procès. Cependant, Perrot n’avait rien d’un lâche; il ne se laissa pas intimider et, de sa cellule, il présenta une défense fort efficace, dans laquelle il déniait au Conseil souverain le droit de le juger puisqu’il détenait sa nomination du roi et qu’il n’était redevable de ses actes qu’envers lui. Perrot réussit à faire naître chez les conseillers la crainte que leur intention de procès fût tenue pour illégale. Au grand dam de Frontenac, ils finirent par déférer l’affaire au roi. Frontenac envoya alors Perrot en France pour rendre compte au roi de son prétendu refus d’obéir aux ordres du gouverneur général de la colonie.

Louis XIV et le ministre de la Marine, Colbert, blâmèrent Frontenac et Perrot pour leurs agissements, mais pour maintenir l’autorité du roi conférée au gouverneur général, Perrot subit la peine d’une confortable réclusion de trois semaines à la Bastille. Dès sa libération, on le renomma gouverneur de Montréal et Frontenac reçut l’ordre de le traiter avec plus de respect à l’avenir. À son retour en Nouvelle-France, Perrot fit la paix avec Frontenac. Ces deux personnages conclurent une alliance précaire afin de favoriser leur activité illicite dans le domaine de la traite. Par la suite, Frontenac ne manqua pas d’étouffer les plaintes que formulaient les seigneurs et la population de Montréal contre Perrot. Ainsi protégé, Perrot traita les gens de Montréal sans ménagement. Quiconque protestait contre sa façon de s’accaparer le commerce des fourrures était battu par ses gardes ou jeté en prison sans autre forme de procès, aussi longtemps que Perrot le jugeait bon. Pour ces actes de tyrannie, Perrot avait l’appui de l’homme de Frontenac, Josias Boisseau, agent de la compagnie de la Ferme du roi.

En 1678, Perrot emprisonna arbitrairement Migeon de Branssat, juge au tribunal seigneurial de Montréal, parce qu’il avait ordonné l’arrestation d’un coureur de bois au service de Perrot. Quand le Conseil souverain décida d’intervenir, Frontenac lui interdit d’agir. Le conseil soumit alors l’affaire au roi qui ne tarda pas à publier un édit défendant aux gouverneurs régionaux d’emprisonner quelqu’un ou de le condamner à l’amende sans un ordre précis du gouverneur général ou du Conseil souverain. Cet édit était accompagné d’un ordre intimant à Frontenac d’ordonner seulement l’arrestation d'une personne pour les crimes de sédition ou de trahison. Ceci, faisait remarquer Colbert, ne se produit pour ainsi dire jamais et laisse l’administration de la justice entièrement aux soins des tribunaux établis. Cet édit royal et les ordonnances qui l’accompagnaient protégeaient la population de la Nouvelle-France contre les arrestations arbitraires. Les événements subséquents montrèrent clairement que le roi et le ministre de la Marine entendaient faire respecter l’édit. Par suite d’une coïncidence singulière en Angleterre, la même année 1679 et dans des circonstances assez semblables, le Parlement adoptait une loi destinée à la même fin et qui est passée à la postérité sous le nom d’habeas corpus.


Toutefois, Perrot n’accorda aucune attention à l’édit. Assuré de la protection de Frontenac, il continua à brimer les habitants de Montréal qui se plaignaient de la traite illégale des fourrures à laquelle il se livrait. Lorsque les Outaouais descendaient à Montréal pour échanger leurs pelleteries, il postait ses gardes de façon à empêcher tout le monde, sauf ses hommes et ceux de Frontenac, de se livrer à la traite avec eux. En une certaine occasion, raconte-t-on, il troqua les vêtements qu’il portait avec un Indien qui se pavana ensuite en ville dans l’accoutrement du gouverneur et Perrot se vanta d’avoir fait un bénéfice de 30 pistoles sur cet échange. On a calculé qu’en 1680 seulement, il réalisa un profit illicite d’environ 40 000ª sur la traite des fourrures. Deux ans plus tard, on signalait, de source digne de foi, qu’il avait réalisé des gains de 100 000ª grâce à la vente de peaux de castor à Niort, au Poitou.

Quand, en 1680 et 1681, le Conseil souverain voulut demander des comptes à Perrot, Frontenac éleva tous les obstacles possibles, mais en 1682, Frontenac fut démis de ses fonctions. Malgré l’intercession de son frère Perrot de Fercourt et des amis influents qu’il comptait à la cour, les plaintes formulées contre Perrot par les habitants de Montréal, les seigneurs de l’île, l’intendant et le Conseil souverain étaient trop nombreuses et les preuves étaient trop considérables pour qu’on les ignorât. En mai 1682, le roi informa Le Febvre de La Barre, nouveau gouverneur général de la colonie, qu’il avait décidé de démettre Perrot de son poste. La Barre fut chargé de recommander un officier en poste dans la colonie pour lui succéder. Mais La Barre défendit Perrot, minimisa l’importance de son commerce illégal de fourrures et déclara que les plaintes dont il était l’objet venaient de la jalousie des marchands de Montréal. Comme La Barre lui-même devait bientôt se montrer très actif dans le domaine de la traite, en dépit d’ordres très stricts lui interdisant d’y prendre part directement ou indirectement, La Barre excusait en réalité sa propre conduite aussi bien que celle de Perrot. Toutefois, le ministre ne fut guère touché par les arguments de La Barre et, en 1683, Perrot était interdit, privé de ses pouvoirs de gouverneur et informé que s’il ne modifiait pas sa conduite et ne faisait pas la paix avec les seigneurs de l’île, il serait rappelé en France. L’année suivante, Louis-Hector de Callière devenait gouverneur de Montréal et Perrot recevait le poste de gouverneur de l’Acadie.

A partir de ce moment-là, on sait peu de choses concernant la carrière de Perrot. L’Acadie était peu peuplée et lamentablement négligée par le gouvernement français, de sorte que cette colonie comptait peu de fonctionnaires et n’entretenait guère de correspondance avec le ministère de la Marine. Au surplus, une minime partie seulement de cette correspondance clairsemée subsiste encore pour nous éclairer. On sait que Perrot se rendit de Montréal en France et ne prit charge de son poste de Port-Royal qu’en septembre 1685. Malgré les sévères avertissements du ministre, il semble qu’il se soit conduit en Acadie exactement comme à Montréal. Il ne perdit pas de temps à chercher à monopoliser le commerce des fourrures de la colonie, à faire ouvertement le commerce de l’eau-de-vie dans sa propre maison, à expédier des marchandises de contrebande à Boston et, au mépris absolu des ordres du roi, à permettre aux pêcheurs de la Nouvelle-Angleterre de pêcher dans les eaux côtières de l’Acadie grâce à l’achat d’un permis qu’il vendait à raison de £5 par ketch. De nouveau, le ministre reçut des plaintes au sujet de la conduite de Perrot, de la part de particuliers et de Bergier, marchand huguenot de La Rochelle et directeur de la Compagnie de la Pêche sédentaire de l’Acadie. En conséquence, Perrot fut démis de ses fonctions en avril 1687. Cependant, il ne rentra pas en France, mais resta en Acadie où il continua ses malversations en dépit des avertissements du ministre qui lui enjoignait de cesser sous peine de connaître ce qu’il en coûtait d’encourir le grave mécontentement du roi.

En 1690, des pirates anglais réussirent là où Louis XIV et ses ministres avaient échoué. À la mi-mai, Sir William Phips, à la tête d’une expédition de Boston, arrivait au large de Port-Royal et obligeait le gouverneur Louis-Alexandre Des Friches de Meneval à rendre le fort, l’emmenant ensuite en captivité avec sa garnison. Un mois plus tard, Joseph Robinau de Villebon, officier de la garnison de Port-Royal, revenait de France, à bord de l’Union appartenant à la compagnie de pêche de l’Acadie, pour prendre le commandement de la province. Accompagné de Perrot, il se retira au fleuve Saint-Jean. Quelques jours plus tard, deux navires de pirates des colonies anglaises pénétraient dans le fleuve, s’emparaient des vaisseaux français et firent Perrot prisonnier. Persuadés qu’il avait caché de fortes sommes, il le torturèrent pour le forcer à dévoiler sa cachette, sans savoir s’ils y réussirent. Par la suite, un flibustier français le délivra puis le ramena à un port français. Il alla vivre à Paris et chercha infructueusement à se faire nommer de nouveau gouverneur de l’Acadie. Il mourut le 20 octobre 1691, probablement des suites des tortures que lui avaient infligées les pirates anglais.

W. J. Eccles


Source :
Principales sources documentaires relatives à la carrière de Perrot : AN, Col., B, 8, f.18 ; C11A, 3, 4, 5 ; C11D, passim, F3, 2, 3, 4.— BN, MSS, Fr. 6 653, f.280.— On trouve de nombreux documents concernant le conflit de Perrot avec Frontenac dans Jug. et délib., I.— Sur Perrot, gouverneur de Montréal, V. : Coll. de manuscrits relatifs à la Nouv.-France, I ; II passim.— Eccles, Frontenac ; Canada under Louis XIV, 1663–1701 (« Canadian Centenary Ser. », III, Toronto, 1964).— Sur la carrière de Perrot en Acadie, consulter : Coll. de manuscrits relatifs à la Nouv.-France, I : 399–401, 416, 503.— B. T. McCully, The New England-Acadia fishery dispute and the Nicholson mission of August, 1687, Essex Institute Hist. Coll., XCVI (1960) : 277–290.— RAC, 1912, App. E, F, 67–73.— Webster, Acadia.
© 2000 Université Laval/University of Toronto

Source document : (corrigé de l'original)
Dictionnaire biographique du Canada en ligne, Bibliothèque nationale du Canada et archives nationales du Canada


Dernière mise à jour : ( 22-02-2009 )
 
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