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L'histoire acadienne, au bout des doigts

La Tour - Le Borgne - Nicolas Denys (1651-1654) Version imprimable

 

Malgré le décès de son rival et malgré sa commission comme gouverneur, Charles de La Tour ne devait pas trouver une paix entière en Acadie. C'est que l'on considérait encore l'Acadie comme propriété de la famille d'Aulnay Menou. Les difficultés qui suivirent prirent leur origine en France; elles furent suscitées par Emmanuel Le Borgne, natif de Calais en Normandie, qui depuis longtemps faisait de belles affaires comme marchand à La Rochelle. Au cours des années, il avait prêté des sommes énormes à d'Aulnay pour sa colonie. À la nouvelle de la mort de son débiteur, il s'empressa d'aller à Paris trouver son père, René de Menou, qu'il obligea de lui transmettre ce qu'il put de la propriété d'Aulnay en France et lui fit reconnaître qu'en plus, la succession lui devait encore la somme de presque 260,000 livres. C'est pourquoi il voulut encore faire siennes les propriétés que d'Aulnay avait laissées en Acadie en mourant et exigea pour cela que René de Menou s'y fasse représenter par un nommé de Saint-Mas, qui se présenta à Port-Royal au mois de mai 1651 plutôt comme agent de Le Borgne.

Le Borgne, dans l'intention de protéger ses intérêts en Acadie, éloignait tous ceux qui pourraient faire main basse sur elle. Il commença par se tourner du côté des Bostonnais, ainsi Saint-Mas vit à ce que des lettres de bonne entente soient expédiées de la part de René de Menou, de la veuve d'Aulnay et de lui-même. Avant de s'en prendre à Charles de La Tour, il voulut s'attaquer à Nicolas Denys à qui Charles d'Aulnay avait déjà voulu faire des difficultés, en entravant son commerce de bois et de morue. Mais Denys avait réussi malgré tout, avec l'aide de la Compagnie de la Nouvelle-France, à surmonter les efforts de son adversaire en organisant des expéditions de pêche et de traite sur les côtes de Terre-Neuve et en se faisant donner en 1645 une concession assez loin de la résidence de d'Aulnay à Miscou dont il fit un poste fortifié de pêche et de traite. Mais en 1647, d'Aulnay était venu le déloger. Quand il apprit la mort de ce dernier, il crut pouvoir se rapprocher du centre de l'Acadie, en s'installant au Cap-Breton avec son frère Simon pour y faire la pêche et la traite. Voilà ce dont on eut connaissance à Port-Royal quand Saint-Mas exigea que Madame d'Aulnay y envoie des soldats pour l'en expulser à l'automne de 1651. Ils s'emparèrent au Cap-Breton, des postes de Saint-Pierre et de Sainte-Anne et amenèrent les deux frères prisonniers à Québec. Les autorités de Québec ne pouvant admettre le bien-fondé de cet acte donnèrent un sauf-conduit à Nicolas Denys qui, avec son frère, retourna à Saint-Pierre. Pensant peut-être s'être rapproché trop vite du centre de l'Acadie, il construisit en 1652 un autre poste à Nipisiguit (aujourd'hui Bathurst). Mais voilà qu'Emmanuel Le Borgne, arrivé à Port-Royal à l'été de 1653, envoya ses hommes s'emparer de Saint-Pierre et Nipisiguit et fit amener Nicolas Denys à Port-Royal pour le mettre aux fers. Libéré, Nicolas Denys put passer en France vers la fin de cette même année 1653, pour revenir au printemps suivant après avoir obtenu de la part de la Compagnie de la Nouvelle-France la ratification de ses concessions.


Lorsque Madame d'Aulnay, née Jeanne Motin, eut compris que Le Borgne n'avait d'autre but par ses machinations que de la ruiner également, elle se tourna vers Charles de La Tour qui ne demandait pas mieux que d'harmoniser ses droits en Acadie avec ceux qu'y avait laissés d'Aulnay. L'un et l'autre se décidèrent d'en arriver au plus bel accord que l'on aurait pu imaginer et le 24 février 1653 ils signèrent en bonne et due forme, devant témoins, un contrat de mariage. Mais avant d'aller plus loin, La Tour voulut prendre l'avis de ses amis de Québec, le gouverneur et les jésuites en particulier. Parti au cours de la première semaine de mai, il était de retour après cinq ou six semaines et le mariage fut béni à la mi-juillet.


Au cours de l'été suivant (1654), Emmanuel Le Borgne, installé à Port-Royal, conçut qu'il était temps d'aller s'emparer du fort Sainte-Marie, où Charles de La Tour s'était retiré avec sa nouvelle épouse. Mais il en fut empêché par l'arrivée de Robert Sedgwick, du Massachusetts. Celui-ci ayant obtenu l'autorisation d'Oliver Cromwell en Angleterre, alors en guerre avec la Hollande, d'organiser une expédition contre la Nouvelle-Hollande (aujourd'hui l'État de New York). Il apprit à son retour à Boston que le traité de Westminster avait été signé, mettant fin au conflit. Sous prétexte que des corsaires français avaient attaqué des vaisseaux anglais, il résolut d'user de ses pouvoirs pour s'emparer de l'Acadie. Après s'être emparé de la rivière Saint-Jean, il traversa le 10 août la Baie Française pour livrer combat à Port-Royal qu'Emmanuel Le Borgne finit par lui céder. Tombèrent également Pentagoët, le Cap Fourchu, le Cap Sable proprement dit et La Hève.

 

 



Source:
Petit manuel d'histoire d'Acadie - Des débuts à 1670, La Librairie Acadienne, Université de Moncton, Rev. Clarence-J. d'Entremont,1976


Dernière mise à jour : ( 28-07-2008 )
 
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