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L'histoire acadienne, au bout des doigts

Richard Denys De Fronsac Version imprimable

DENYS DE FRONSAC, RICHARD, administrateur, colonisateur, négociant et entrepreneur en pêcheries, né vers 1654, fils de Nicolas Denys et de Marguerite Lafite, décédé en 1691.

Richard Denys naquit à Saint-Pierre du Cap-Breton, où son père venait de s’établir à nouveau, après avoir acquis de la Compagnie de la Nouvelle-France les droits sur la côte nord de l’Acadie depuis Canseau jusqu’au cap des Rosiers en Gaspésie et après avoir reçu le titre de gouverneur et de lieutenant du roi. Richard eut une enfance mouvementée à Saint-Pierre, encore qu’il soit remarquable que la prise de Port-Royal par Sedgwick en 1654 n’ait pas touché la famille. Les Denys continuèrent d’habiter Saint-Pierre jusqu’à l’hiver de 1668–1669, au cours duquel un incendie détruisit leurs bâtiments et leur commerce ; ils s’établirent alors à Nipisiguit (Bathurst, N.-B.). Nicolas Denys y avait installé un poste en 1652. Par suite de ses pertes et des obligations encourues pour tenter de rétablir sa situation en ces circonstances pénibles, Nicolas Denys résolut de retourner en France pour y publier un ouvrage sur le pays et y rechercher de plus grands appuis pour ses entreprises d’Acadie. En 1671, il se rendit donc en » France, confiant à sa femme et à son fils, Richard, âgé de 17 ans, la direction de ses affaires. Les malheurs survenus à Nicolas Denys entravèrent l’essor des entreprises que son fils devait gérer et dont il devait hériter par la suite.

Richard Denys réussit à tirer sa subsistance de la forêt, de l’agriculture et des pêcheries. Il cultiva des pois et du blé et même des poires et des pommes. Il conserva les postes de Nipisiguit et de Miscou. La part qu’il prit, en 1676, à la défense des gisements de houille de son père au Cap-Breton contre trois caiches anglaises, montre qu’il tenta d’exploiter toutes les ressources disponibles ; cependant la traite des fourrures et les pêcheries étaient ses principaux moyens de subsistance. Ses appointements de 800ª ne lui furent jamais versés. En 1682, alors qu’ils avaient atteint le total de 9 600ª un nouvel accord reconnut que Richard avait priorité sur la succession de son père, jusqu’à concurrence des arrérages de sa solde.

La plupart des sources documentaires relatives à Richard Denys pour cette période se rapportent à l’autorité qu’il exerça au nom de son père. Les droits ou la juridiction de Denys, père, ne furent pas toujours respectés, à tout le moins reconnus par le gouvernement de Québec. Les titres. et les délimitations en étaient confus. Ainsi, sans se préoccuper des engagements existants, l’intendant Talon concéda à Pierre Denys* de La Ronde, un parent de Nicolas, les droits sur l’île Percée. Les colons du lieu s’adressèrent à Richard Denys pour obtenir réparation de la part de La Ronde, qui détenait leurs titres, car on considérait Richard comme l’autorité suzeraine de ce territoire.

Un litige plus sérieux s’éleva entre Richard Denys et la « Compagnie Bergier de la pesche sédentaire de l’Acadie ». Après la confirmation, en 1667, des droits de Nicolas Denys dans le district de Chedabouctou (Guysborough, N. É .), Richard et son beau-frère, Michel Leneuf* de La Vallière, continuèrent à y pratiquer la chasse et la pêche saisonnières. Richard entra aussi en conflit avec la Compagnie Bergier, qui y exerça ses activités dans les années 1680. Les plaintes portées par Bergier à la cour de France lui valurent, en avril 1687, la concession du Cap-Breton, et l’on motiva cette décision en alléguant que Denys n’avait pas rempli les conditions de son contrat. Nicolas Denys reçut en compensation la promesse d’une grande seigneurie qui serait délimitée plus tard. Il mourut l’année suivante.

Comme Port-Royal était trop éloigné pour imposer une juridiction, Richard Denys demanda d’être investi des pouvoirs de son père comme gouverneur, pouvoirs qu’il avait, de fait, lui-même assumés durant 18 ans. Il semble que la cour se rendit à sa requête, puisqu’il exerça son autorité sur toute la région jusqu’à sa mort en 1691, à l’exception d’une brève période, en 1690, pendant qu’il était prisonnier des Anglais après la prise de Port-Royal par Phips. Pour tenir lieu de la concession princière qu’il avait détenue jusque-là, il hérita d’une seigneurie à Miramichi, celle-là même qui avait été promise à son père en 1687. Il s’y établit lui-même sur la rive nord de la rivière, vis-à-vis du remous (« tickle ») qui se trouve entre ce qui s’appelle aujourd’hui la pointe Wilson et l’île qui porte le nom de Beaubear (Boishébert). La seigneurie avait 15 lieues carrées. Un tiers devait en être défriché en moins de trois ans et le reste, dans les trois années suivantes. Sa maison, de pierre de taille, s’élevait dans un fort en bois de quatre bastions, défendu par dix canons, quatre en bronze et six en fer. Déjà il y cultivait à la main les céréales, les légumes, les fruits et le fourrage. Il écrivait en 1689 qu’il espérait pouvoir labourer bientôt avec des bœufs, y avoir un moulin à eau et un établissement de pêche sédentaire.

Résidant, en 1689, au fort Sainte-Croix sur la Miramichi, il gardait encore un établissement a Ristigouche (maintenant Restigouche) et il exerçait ses droits à Nipisiguit tout au long d’un litige qui dura jusqu’en 1691 et qui concernait l’un de ses colons, Philippe Énault*. (Celui-ci était astreint au paiement. tous les deux ans, à titre de rente et hommage d’une pistole et d’une peau de loutre en forme de sac, avec sa queue, ses pattes et ses dents.) Richard encouragea le peuplement de sa seigneurie avec tant d’énergie que, vers 1689, il comptait 103 colons français sur son domaine, nombre élevé par rapport à la population totale de l’Acadie à cette époque. 31 de ces derniers étaient à son service personnel, dont 23 à sa seigneurie de Sainte-Croix et 8 à la baie des Chaleurs. En outre, il comptait « deux villages de Sauvages » près de ses établissements, l’un à la baie des Chaleurs, de 60 familles ou de 400 sauvages, et un autre, de 500 âmes réparties en 80 wigwams.

Tant pour le service des Français que des sauvages, Richard Denys favorisa, en ses possessions, la création de missions, dirigées par des jésuites et par des récollets, et dans un cas, par des prêtres du séminaire de Québec. La concession de trois lieues carrées accordée aux Récollets le 13 août 1685, à Ristigouche, à Miramichi et au Cap-Breton fut révoquée le 6 mai 1690. Les essais du séminaire en 1685 n’aboutirent pas et une nouvelle tentative des Récollets à Miramichi, en vertu d’un accord du 16 octobre 1686, échoua également. Richard Denys relatait en 1688 qu’il avait maintenu à ses frais des jésuites et des récollets durant plusieurs années et, pendant deux ans, un prêtre de Québec ; toutefois les autorités ecclésiastiques, au préjudice tant des Français que des sauvages, avaient déplacé ces missionnaires. Jusqu’à la fin de sa vie, Richard Denys servit néanmoins les intérêts de la France et de l’Église avec une intelligence, une énergie et une élévation d’esprit qui autorisent à le tenir pour l’Acadien de naissance le plus remarquable du xviie siècle.

Richard Denys de Fronsac avait d’abord épousé, probablement en 1680, Anne Parabego (Partarabego), une Indienne, et il en eut une fille, Marie-Anne, baptisée le 25 mai 1681 à Jemseg, sur la rivière Saint-Jean, et mariée à Québec en 1709 à Jean Merçan. Il eut aussi de ce mariage un fils, Nicolas, né en 1682, qui épousa, comme son père, une Indienne, et périt avec ses trois enfants en 1732. Le 15 octobre 1689, Richard Denys se remariait, cette fois à Québec, avec Françoise Cailleteau, qui lui donna un fils, Louis, né le 31 octobre 1690. À l’automne de 1691, Richard Denys, qui était âgé de 37 ans, périt en mer. Le vaisseau sur lequel il s’était embarqué pour Québec, le Saint-François-Xavier, fut perdu corps et biens. Trois années plus tard, le 17 juillet 1694, le règlement de sa succession s’effectua en faveur de sa veuve ; son fils, Louis, étant probablement décédé en bas âge, ses biens passèrent aux enfants issus du second mariage de sa femme avec Pierre Rey Gaillard.

Contrairement aux assertions des historiens, Nicolas Denys n’eut jamais le titre de « sieur de Fronsac », mais son fils, Richard, le prit vers 1677. Deux membres de la famille Denys avaient reçu des titres de noblesse sous le règne de Henri III, mais ce qui semble avoir autorisé Richard à s’en prévaloir, c’est l’anoblissement, en 1668, de son oncle, Simon Denys. Fronsac était le nom d’un lieu aux environs de Bordeaux, mais on l’avait donné, en l’honneur du cardinal de Richelieu, qui était duc de Fronsac, à une localité du détroit de Canseau, près de laquelle Richard Denys vint au monde.

Alfred G. Bailey


Source
AN, Col., C11D, 1, f.192, plaintes de Bergier Des Ormeaux contre Leneuf de La Vallière, Leneuf de Beaubassin et Richard Denys, 12 Mai [1687 ?] ; Col., E, 277 (dossier La Vallière).— BN, mss, Clairambault 1 016, f.331.— Denys, Description géographique et historique (Ganong).— Jug. et délib., III-V.— P.-G. Roy, Inv. concessions, IV.— Ganong, Historic sites in New Brunswick, 233, 292–294, 298s., 300, 317s., 319s.— Richard Denys, sieur de Fronsac, and his settlements in northern New Brunswick, Historical-geographical documents relating to New Brunswick, ed. W. F. Ganong, 4, N.B. Hist. Soc. Coll., [III], no 7 (1907) : 7–54.
© 2000 University of Toronto/Université Laval
Source document :
Dictionnaire biographique du Canada en ligne, Bibliothèque nationale du Canada et archives nationales du Canada



Dernière mise à jour : ( 22-02-2009 )
 
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