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L'histoire acadienne, au bout des doigts

Port-Royal et Saint-Sauveur (1610-1613) Version imprimable

 

Port-Royal ne devait reprendre vie qu'en 1610. Malgré les échecs subis jusqu'ici, les pionniers de l'Acadie et de la Nouvelle-France y voyaient encore un terrain propice à la colonisation. Cependant, Champlain devait désormais diriger ses efforts du côté du fleuve Saint-Laurent. Il gagna l'appui de De Monts à qui le roi accorda un nouveau privilège de traite pour un an. Champlain, accompagné de Gravé Du Pont, partit donc pour le Canada en avril 1608 et le 3 juillet il débarquait à Québec pour en devenir le fondateur.


Poutrincourt, pour sa part, optait toujours pour l'Acadie. Parti résider en Champagne, il constitua ici un équipage et recruta un certain nombre de colons, dont Claude de La Tour et son fils Charles de St-Étienne de La Tour, de sorte que vers le 25 février 1610 il partit de Dieppe en route pour Port-Royal. Laissant en France son second fils, Jacques de Biencourt, dit de Salazar, trop jeune pour entreprendre un tel voyage, il ramenait avec lui en Acadie Charles de Biencourt, son fils aîné. Une mutinerie de l'équipage qui eut lieu en cours de route retarda de deux mois son arrivée à Port-Royal. On ne s'y trouvait que depuis quelques jours quand le premier baptême enregistré en Amérique du Nord fut administré le 24 juin à Membertou et vingt autres membres de sa famille par l'abbé Jessé Fléché, prêtre séculier du diocèse de Langres, qui avait fait le voyage avec Poutrincourt.

Celui-ci, selon le désir de la cour, devait amener en Acadie deux autres prêtres, les Pères Pierre Biard et Enemond Massé, jésuites, dont leur confrère, le Père Coton, confesseur du roi, avait été pour beaucoup dans cette décision. Mais Poutrincourt, partageant les préjugés de son temps au sujet des missionnaires jésuites que l'on accusait de s'immiscer trop dans les affaires commerciales, voulant aussi répondre au désir de certains de ses passagers huguenots, demanda que le départ de ces missionnaires soit retardé, prétextant qu'il voulait tout d'abord construire une demeure à Port-Royal pour les recevoir et promettant de venir les chercher l'année suivante. Mais l'enthousiasme créé en arrivant à Port-Royal par le baptême des Indiens l'incita à envoyer sur-le-champ son fils en France afin de les amener en Acadie. Le retour de Charles de Biencourt, qui devait partir de Dieppe avec les jésuites, fut entravé par les calvinistes de l'endroit qui avaient des intérêts dans la cargaison, de sorte que dut intervenir Antoinette de Pons, marquise de Guercheville, première dame d'honneur de la reine régente, Marie de Médicis, dont le mari, Henri IV, avait été victime le 14 mai des coups de couteau d'un assassin. Cette pénitente du Père Coton, grande protectrice des jésuites, organisa une souscription à la cour et racheta la part de cargaison appartenant aux calvinistes, de sorte qu'en janvier 1611, en plein hiver, Charles de Biencourt partit avec les deux missionnaires, pour n'arriver à Port-Royal que quatre mois plus tard, à savoir, le 22 mai 1611.

Pendant l'absence de son fils, Poutrincourt avait amassé beaucoup de fourrures, de sorte qu'il résolut de les apporter en France. En juillet 1611, il partit donc, laissant son fils au commandement de la colonie, qui comptait 22 personnes, les jésuites compris. Ayant besoin d'argent, il s'adressa à Mme de Guercheville, qui lui fournit ce dont il avait besoin pour noliser un vaisseau, qui amena en Acadie en janvier 1612 Simon Imbert-Sandrier, son représentant, et le Frère Gilbert Du Thet, jésuite qui représentait Mme de Guercheville. Quant à Poutrincourt, il resta en France.

Tout n'allait pas pour le mieux à Port-Royal depuis l'arrivée des jésuites. Ceux-ci blâmaient l'abbé Fléché d'avoir administré le sacrement de baptême sans avoir préalablement préparé les candidats, ce qui jeta un peu d'eau froide sur l'enthousiasme que ces baptêmes avaient soulevé dans la colonie. Le différend fut présenté à la cour et même à la Sorbonne. De cette controverse "théologique" naquit deux camps, celui des jésuites et celui des Poutrincourt, et fut suivi par l'interdit canonique décrété par les Pères sur Port-Royal. Le Frère Du Thet réussit à retourner en France pour rendre compte à la marquise de Guercheville de ce qui se passait à Port-Royal, ce sur quoi elle rompit son association le 17 août 1612 avec Jean de Poutrincourt et fit gréer un nouveau navire pour aller retirer les Pères Biard et Massé de Port-Royal et les établir ailleurs. Elle confia cette mission à René Le Coq de La Saussaye, qui devait agir comme son lieutenant. En mai de l'année suivante (1613), accompagné du Frère Du Thet et du Père Jacques Quentin, jésuite, il arriva en Acadie, retira les Pères Biard et Massé de Port-Royal et s'en alla fonder un nouvel établissement sur les côtes du Maine, en arrière de l'Île des Monts déserts, sur la terre ferme dans la région de la ville actuelle de Lamoine, que l'on appela Saint-Sauveur.


Quelques semaines plus tard, à savoir, au tout début de juillet, le capitaine Samuel Argall, de Virginie, fonça sur Saint-Sauveur et le livra aux flammes. Il fit de même à l'Île Sainte-Croix et à Port-Royal. Le Frère Du Thet fut tué. Quatorze hommes de Saint-Sauveur furent amenés prisonniers à Jamestown, dont les Pères Biard et Quentin, qui finiront par être rapatriés, tandis que de La Saussaye et le Père Massé, laissés à leur propre sort, trouvèrent moyen à leur tour de regagner la France.

Quant à Charles de Biencourt et ses compagnons, laissés libres, il ne leur restait debout à Port-Royal, que le moulin et une ou quelques granges situées au loin. Devaient-ils abandonner ces lieux? Pour aller où? Et obtenir quoi? Ils n'avaient pas de choix. Ils érigèrent, tant bien que mal, des gîtes provisoires pour se mettre à l'abri des intempéries et se livrèrent à la grâce de Dieu.




Source:
Petit manuel d'histoire d'Acadie - Des débuts à 1670, La Librairie Acadienne, Université de Moncton, Rev. Clarence-J. d'Entremont ,1976


Dernière mise à jour : ( 28-07-2008 )
 
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