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L'histoire acadienne, au bout des doigts

De Port-Royal au Cap Sable (1614-1627) Version imprimable

 

Lors de l'attaque d'Argall, Poutrincourt se trouvait encore en France depuis deux ans. Il se débattait pour payer ses dettes depuis que ses relations avec la marquise de Guercheville avaient été rompues. Il réussit à s'associer avec plusieurs armateurs de La Rochelle, dont Georges et Macain, ce qui lui permit de partir de nouveau le dernier jour de 1613 pour Port-Royal, où il arriva le 27 mars 1614. En voyant l'état pitoyable dans lequel gisait la colonie qui venait de passer un hiver atroce, il comprit que sa carrière en Acadie était finie et que sa présence ici n'avait plus sa raison d'être. Il rebroussa chemin, amenant avec lui la plupart des colons, qu'il débarqua à La Rochelle au mois de juillet. L'année suivante, en décembre 1615, il décéda dans son domaine en Champagne où il s'était rendu pour faire entrer dans l'ordre les partisans du prince de Condé qui y intriguaient contre le pouvoir royal.

Son fils Charles de Biencourt, dans la vigueur de son jeune âge, ne désespérait pas de l'avenir de la colonie. Il anticipait les avantages financiers qu'il pourrait tirer de l'abondance de fourrures et de poissons dont l'Acadie recelait. Il décida donc de rester et quoiqu'il n'eut avec lui qu'une poignée d'hommes, il voulut tenter l'aventure. Parmi ceux-ci, Charles de La Tour qui était à peu près du même âge devint son bras droit. Pendant les dix années qui vont suivre, les deux hommes se livreront à la traite de la fourrure surtout, avec David Lomeron de La Rochelle qui viendra les visiter annuellement pour transporter leurs marchandises à ses oncles, Georges et Macain. Non seulement eurent-ils beau jeu tout le long de la baie Française, et même jusqu'au cap Sable, mais en plus, il semble que Claude de La Tour se rendit à Pentagoët en 1614 pour y construire un fort qui devait servir de comptoir pour la traite, d'où il aurait écoulé sa marchandise à Lomeron par l'intermédiaire de Charles de Biencourt et de son propre fils.

Vu que la région plus au sud de la péninsule acadienne se prêtait mieux que Port-Royal aux échanges de fourrures et autres marchandises avec Lomeron, Biencourt amena petit à petit son monde au cap Fourchu. De fait, en 1618, il avait abandonné complètement Port-Royal, et il demeurait dit-on à la baie Courante. S'est-il rendu par après au Cap Sable proprement dit ? S'il n'y a pas installé sa résidence permanente, il est certain qu'il s'y trouvait très souvent, de même que ses hommes, car ce fut ici, plus précisément à port La Tour, que naquit en 1620 André Lasnier, fils de Louis Lasnier, originaire de Dieppe, et d'une mère indienne, lequel fut le premier enfant avec sang européen à naître en Acadie, pour ne pas dire dans toute l'Amérique du Nord.

Ce fut, soit dans la région de la baie Courante, soit au Cap Sable proprement dit, que Charles de Biencourt mourut, probablement à l'automne de 1623. En mourant, il laissa entre les mains de son fidèle compagnon, Charles de La Tour, le commandement de la petite troupe qui était à sa charge.

Pour les quelques années suivantes, l'obscurité couvrira l'Acadie quand les quelques personnes restantes se réfugièrent au port Lomeron du Cap Sable, devenu plus tard port La Tour, qui pendant un certain temps fut le seul endroit en Acadie et même dans toute la Nouvelle-France où flotta le drapeau fleurdelisé. C'est ici que Charles de La Tour épousa une Indienne, peut-être en 1625, de qui il eut trois filles, dont l'une deviendra en France la première religieuse à naître en Amérique du Nord.

En 1627, ayant appris que Louis XIII s'était donné un grand chef dans la personne du cardinal Richelieu, Charles de La Tour adressa une lettre à chacun, en date du 25 juillet, demandant du secours contre les Anglais qui menaçaient d'attaquer le seul territoire d'Acadie qui était habité par des Français. Mais La Tour dut attendre encore trois ans avant d'être secouru. La France étant aux prises avec les protestants qui finiront par traverser les mers avec leurs engins de guerre, l'Acadie sera envahie par les gens de la Grande-Bretagne, qui à leur tour, projetteront de la coloniser.



Source:
Petit manuel d'histoire d'Acadie - Des débuts à 1670, La Librairie Acadienne, Université de Moncton, Rev. Clarence-J. d'Entremont ,1976


Dernière mise à jour : ( 28-07-2008 )
 
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