RAMEZAY (Ramsay, Ramesay, Ramesai), JEAN-BAPTISTE-NICOLAS-ROCH DE, officier dans les troupes de la Marine et lieutenant de roi, né à Montréal le 4 septembre 1708, fils cadet de Claude de Ramezay et de Marie-Charlotte Denys de La Ronde, frère de Louise et de Marie-Charlotte, dite de Saint-Claude de la Croix ; il épousa, le 6 décembre 1728 à Trois-Rivières, Louise, fille de René Godefroy de Tonnancour, et de ce mariage naquirent six enfants, dont cinq moururent en bas âge ; décédé à Blaye, France, le 7 mai 1777.
Jean-Baptiste-Nicolas-Roch de Ramezay passe son enfance au château de Ramezay à Montréal. Le 7 mai 1720, âgé de 11 ans, il devient enseigne dans les troupes de la Marine et, après la mort de son frère, Charles-Hector, sieur de La Gesse, survenue en août 1725, sa mère demande et lui obtient la lieutenance du défunt. Promu lieutenant le 23 avril 1726, il est envoyé au fort Niagara (près de Youngstown, New York) sous le commandement de l’ingénieur Gaspard-Joseph Chaussegros de Léry, afin de renforcer ce fort pour le faire « servir de barrière ». contre les entreprises des Britanniques venus s’établir dans la région de Chouaguen. Au printemps de 1728, il fait partie de l’expédition conduite par Constant Le Marchand de Lignery contre les Renards au pays des Illinois et, en 1731, le gouverneur Beauharnois lui confie la mission de pacifier les Sauteux de Chagouamigon (près d’Ashland, Wisconsin). Trois ans plus tard, il y est promu capitaine. En 1742, il est nommé commandant du fort La Tourette (aussi appelé La Maune, à l’embouchure de la rivière Onaman, Ontario).
En 1746, deux ans après l’entrée en guerre de la France et de l’Angleterre, le gouverneur Beauharnois et l’intendant Hocquart lèvent, sur l’ordre du ministre de la Marine, un détachement de Canadiens et d’Indiens en vue de participer à la campagne d’Acadie. Ils donnent le commandement de l’expédition à Ramezay qui part de Québec le 5 juin avec 700 hommes répartis sur sept navires. Il débarque d’abord à Baie-Verte (Nouveau-Brunswick), le 10 juillet, d’où il envoie un détachement, sous les ordres de Joseph-Michel Legardeur de Croisille et de Montesson, à Port-La-Joie (Fort Amherst, Île-du-Prince-Édouard), récemment pris par les Britanniques, puis il établit ses quartiers à Beaubassin (près d’Amherst, Nouvelle-Écosse).
Ramezay avait pour mission de rejoindre l’escadre française commandée par le duc d’Anville [La Rochefoucauld] mais, en l’absence d’ordres précis de celui-ci, il devait répartir ses forces et attaquer à la fois Canseau (Canso, Nouvelle-Écosse) et Annapolis Royal (Nouvelle-Écosse). Il apprend, le 22 septembre 1746, l’arrivée des débris de l’escadre française à Chibouctou (Halifax, Nouvelle-Écosse), la mort du duc d’Anville et son remplacement par La Jonquière [Taffanel]. Ramezay se prépare donc à attaquer Annapolis Royal, où il arrive le 11 octobre. Mais, après avoir passé 23 jours à attendre La Jonquière, Ramezay, qui, faute d’effectifs suffisants, n’avait établi qu’un cordon dans le but d’empêcher toute communication entre la garnison et les habitants du village, doit se replier sur Beaubassin.
En décembre, un corps expéditionnaire de troupes coloniales de la Nouvelle-Angleterre, sous le commandement du lieutenant-colonel Arthur Noble, s’installe à Grand-Pré (Nouvelle-Écosse), dans le but de mettre fin aux incursions des Canadiens et des Français en Nouvelle-Écosse. Apprenant cela, Ramezay décide de l’attaquer et confie le commandement d’un groupe d’attaque, parti le 9 février 1747, à son commandant en second Nicolas-Antoine Coulon de Villiers. Après avoir été blessé, ce dernier sera remplacé par Louis de La Corne, dit le chevalier de La Corne. Après quelques heures de combat, Benjamin Goldthwait rend les armes et signe la capitulation le 12 février. Plus que tout autre, Ramezay bénéficiera de cet exploit ; il sera décoré de la croix de Saint-Louis le 15 février 1748.
Nommé major de Québec en 1749, en remplacement de Paul-Joseph Le Moyne de Longueuil, Ramezay assume les fonctions de commandant en second du lieutenant de roi. Il remplit son poste « avec honneur et distinction » pendant neuf ans avant d’accéder, à l’âge de 50 ans, au poste de lieutenant de roi à Québec, avec un traitement de 1800ª.
Au printemps de 1759, Québec prépare sa défense contre une attaque présumée de la flotte anglaise. Aux alentours de la ville, des marins français, les troupes régulières coloniales et françaises, les milices des gouvernements de Montréal, Trois-Rivières et Québec et les alliés indiens sont assemblés, suivant en cela les instructions du gouverneur Vaudreuil [Rigaud] et du marquis de Montcalm. Ramezay, responsable de la défense de la haute ville, a sous ses ordres 700 soldats et marins, quelques canonniers ainsi que les bourgeois canadiens devenus miliciens pour la circonstance. La flotte britannique atteint l’île d’Orléans le 26 juin, mais l’été passe sans attaque directe de la ville si on excepte le bombardement destructeur venant de Pointe-Lévy (Lauzon). Au milieu d’août, la santé de Ramezay le force à se retirer à l’Hôpital Général et il doit alors abandonner ses fonctions à un subordonné. Il est toujours à l’hôpital quand les forces britanniques sous les ordres de Wolfe atteignent les plaines d’ Abraham, le 13 septembre. Apprenant la défaite de Montcalm, Ramezay revient dans la ville et reprend le commandement de ses troupes ; il demande des renforts à Pierre-André Gohin, comte de Montreuil, l’aide-major général de Montcalm, et reçoit 150 soldats français et quelques canons. Le même soir, un conseil de guerre, tenu au quartier général de Vaudreuil à Beauport, décide de la retraite à la rivière Jacques-Cartier. Ramezay reçoit de Vaudreuil, par l’entremise de Montcalm qui les approuve sur son lit de mort, les termes de la capitulation ainsi qu’une instruction le prévenant « qu’il ne doit pas attendre que l’ennemi l’emporte d’assaut, ainsi si-tôt qu’il manquera de vivres, il arborera le drapeau blanc et enverra l’officier de la garnison le plus capable et le plus intelligent pour proposer sa capitulation ». Étonné, Ramezay fait appel à Montcalm qui, trop près de la mort, ne peut répondre. Le lendemain, 14 septembre, Ramezay fait la revue de ses troupes et constate qu’il a environ 2 200 hommes, incluant 330 membres des troupes régulières françaises ou coloniales, 20 artilleurs, 500 marins et des miliciens ; les rations pour ces hommes et 4 000 habitants suffisent à peine pour huit jours.
Le 15 septembre, Ramezay reçoit une « Requeste des Bourgeois de Québec » l’incitant à capituler honorablement [V. François Daine ; Jean Taché]. Surpris une fois de plus, il convoque alors un conseil de guerre réunissant les principaux officiers de la garnison auxquels il rapporte les instructions de Vaudreuil. Treize des 14 officiers proposent la capitulation ; Louis-Thomas Jacau de Fiedmont s’y oppose. Pendant ce temps, l’artillerie de la ville causait des dommages aux forces britanniques installées sur les plaines, de même qu’à leurs navires. Le chevalier de Lévis, revenu précipitamment de Montréal, rencontre Vaudreuil à la Jacques-Cartier, le 17 septembre, et décide de ramener les armées à Québec dans l’espoir d’empêcher l’ennemi d’y passer l’hiver. On tente d’acheminer des vivres vers la ville et Vaudreuil envoie de nouvelles instructions à Ramezay, lui enjoignant de tenir bon jusqu’à l’arrivée de Lévis. Mais ce même jour, à 15 heures, à la suite de la requête des marchands et des bourgeois, et de la décision du conseil de guerre, et devant le bombardement imminent de Québec par l’artillerie assemblée sur les plaines et par la flotte britannique, Ramezay fait hisser le drapeau blanc. Il envoie alors Armand de Joannès, major de Québec, discuter de la capitulation et de la reddition de la ville. À 23 heures, Joannès retourne au quartier général britannique avec un document signé par Ramezay. C’est seulement à ce moment que les secondes instructions du gouverneur Vaudreuil parviennent à Ramezay.
Le matin du 18 septembre, Charles Saunders et George Townshend signent les articles de la capitulation ; le lendemain, Ramezay remet la ville à Townshend, tandis que les soldats de la garnison montent à bord des vaisseaux anglais. Quant à Ramezay et aux officiers, ils s’embarquent le 22 septembre mais leur départ est retardé jusqu’au 19 octobre.
Par une procuration signée avant son départ, Ramezay avait demandé à son épouse de vendre tous ses biens au Canada – ce qu’elle fit le 23 août 1763. En 1765, elle part avec sa fille, Charlotte-Marguerite, son gendre et leurs deux enfants rejoindre son époux à La Rochelle. Ramezay, doté d’une maigre pension de 800ª, s’installe définitivement à Blaye où il meurt le 7 mai 1777.
On se demande encore si Ramezay a eu raison de capituler. Après lui avoir remis des instructions précises à cet effet, contremandées au tout dernier moment, Vaudreuil sera le premier à le blâmer. Joannès, qui, bien qu’avec certaines réserves, avait été du nombre des officiers à consentir à la capitulation, s’en prendra également à lui dans son mémoire sur la campagne. En Grande-Bretagne, on a tout de suite chanté la victoire de la prise de la ville, et Townshend fait état, dans son rapport au roi, de l’avantage qu’il y avait à signer une paix hâtive, même si les conditions accordées aux Français lui semblaient généreuses. Le nombre des malades et des blessés, le manque de vivres, les pressions exercées par les bourgeois et les officiers de la garnison, et la menace imminente de nouveaux bombardements ont grandement influencé la décision de Ramezay en annihilant l’esprit combatif qu’il avait démontré jusqu’alors. Par-dessus tout cela, la démission des miliciens et la fuite des troupes régulières avaient plus que tout autre facteur contribué à anéantir les derniers espoirs d’une victoire encore possible. Tout au cours de l’histoire, on trouve de nombreuses victimes d’un concours de circonstances ; Ramezay en est une sans plus.
Jean Pariseau
Source :
[J.-B.-N.-R. de Ramezay], Mémoire du sieur de Ramezay, commandant à Québec, au sujet de la reddition de cette ville, le 18 septembre 1759 [...] (Québec, 1861) (comprend en 1er partie : « Évènements de la guerre en Canada durant les années 1759 et 1760 » ; « Relation du siège de Québec du 27 mai au 8 août 1759 », et, en 2e partie : « Mémoire du sieur de Ramezay »).
AMA, Bibliothèque du ministère de la Guerre, A2C, 236, ff.222–224 ; 287 ; SHA, A1, 3 540 ; 3 542–3 546 (mfm aux APC).— AN, Col., C11A, 120, ff.398. 405 ; C11E, 13, ff.150, 257 ; D2C, 49 ; 57 ; 58 ; 61 ; 222, f.673.— Coll. des manuscrits de Lévis (Casgrain), I : 215 ; II : 242s. ; IV : 162–164 ; V : 205, 230, 232, 293, 309, 356 ; VI : 106, 155, 174, 186, 228 ; VII : 64, 551–553, 616 ; VIII : 68, 78, 110 ; X : 111–113.— Coll. doc. inédits Canada et Amérique, II : 10–75.— Doc. relatifs à la monnaie sons le Régime français (Shortt), II : 740–742, 744, 750, 754, 794.— Journal du siège de Québec (Æ. Fauteux), ANQ Rapport, 1920–1921.— Knox, Hist. journal (Doughty), II : 108–110, 123 ; III : 267–295.— Mémoire du Canada, ANQ Rapport, 1924–1925, 151–167.— Mémoires sur le Canada, depuis 1749 jusqu’à 1760, 169–171.— Projet pour la défense du Canada pendant la campagne 1759, relativement à ses forces et aux projets que peuvent avoir les Anglois pour l’attaquer, ANQ Rapport, 1932–1933, 368–372.— [Nicolas Renaud d’Avène Des Méloizes], Journal militaire tenu par Nicolas Renaud d’Avène Des Méloizes, cher, seigneur de Neuville, au Canada, du 8 mai 1759 au 21 novembre de la même année [...], ANQ Rapport, 1928–1929, 76–78.— Siège de Québec en 1759 [...] (Québec, 1836 ; réédité à Québec en 1972 dans le Siège de Québec en 1759 par trois témoins, J.-C. Hébert, édit.).— [F.-]M. Bibaud, Le panthéon canadien : choix de biographies, Adèle et Victoria Bibaud, édit. (2e éd., Montréal, 1891), 243s.— Æ. Fauteux, Les chevaliers de Saint-Louis, 145.— Historie forts and trading posts of the French regime and of the English fur trading companies, Ernest Voorhis, compil. (copie ronéotypée, Ottawa, 1930), 98.— Le Jeune, Dictionnaire, II : 499s.— Lieutenants du roi à Québec, BRH, XVII (1911) : 381.— Les majors de Québec, BRH, XIX (1913) : 352.— J.-E. Roy, Rapport sur les archives de France.— P.-G. Roy, Les officiers d’état-major des gouvernements de Québec, Montréal et Trois-Rivières sous le Régime français (Lévis, Québec, 1919), 88–94.— Tanguay, Dictionnaire, I : 183 ; III : 351.— Wallace, Macmillan dictionary, 617s.— Antoine Champagne, Les La Vérendrye et le poste de l’Ouest (Québec, 1968), 138, 272.— A. [G.] Doughty et G. W. Parmelee, The siege of Quebec and the battle of the Plains of Abraham (6 vol., Québec, 1901), II : 79, 212s. ; III : 104, 132, 259s., 272s., 292 ; IV : 10, 149, 154, 163–217, 219–229, 239–278 ; V : 1–11, 111, 225–281, 283–301, 303–326.— Guy Frégault, La civilisation de la Nouvelle-France, 1713–1744 (Montréal, 1944), 53s. ; La guerre de la Conquête.— Félix Martin, Le marquis de Montcalm et les dernières années de la colonie française au Canada (1756–1760) (Paris, 1898) (contient en appendice les délibérations du conseil de guerre du 15 sept. 1759, présidé par M. de Ramezay).— P.-G. Roy, La famille de Ramezay (Lévis, 1910).— Stacey, Quebec, 1759.— Stanley, New France.— La famille de Ramezay, BRH, XVII (1911) : 18–22, 33s., 44, 74, 103–110.— A.[-E.] Gosselin, Notes sur la famille Coulon de Villiers, BRH, XII (1906) : 198–203.— Victor Morin, Les Ramezay et leur château, Cahiers des Dix, 3 (1938) : 9–72.— P.-G. Roy, Le conseil de guerre tenu à Québec le 15 septembre 1759, BRH, XXII (1916) : 63s. ; M. de Ramesay, lieutenant de roi à Québec, après 1759, BRH, XXII : 355–364 ; Où fut signé la capitulation de Québec, le 18 septembre 1759 ? BRH, XXIX (1923) : 66–69.
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Source document :
Dictionnaire biographique du Canada en ligne, Bibliothèque nationale du Canada et archives nationales du Canada
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