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L'histoire acadienne, au bout des doigts

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Les Acadiens en France, les Acadiens de France

Les Acadiens en France, c'était il y a près de 250 ans.

Les Acadiens de France, c'est aujourd'hui et cela dure depuis un peu plus de 250 ans. Nous allons vous raconter leur histoire. Elle commence par un événement dont nous aurions pu commémorer la date du 28 juillet 1758, soit la seconde chute de Louisbourg aux mains des Anglais.


Les conséquences de l'événement sont multiples. La plus importante fut la reddition de l'île Royale et de l'île Saint-Jean, immédiatement suivie de l'embarquement forcé de l'ensemble des populations des deux îles à destination de la France. Pour cela, au moins douze navires anglais auraient été nécessaires, mais les documents d'archives se contredisent à ce sujet.

Les Acadiens en France

Le rapatriement des habitants de l'île Saint-Jean et de l'île Royale constitue la première vague des Acadiens qui arrivèrent en France, en cette deuxième moitié du 18e siècle. Il y eut ensuite deux autres grandes arrivées :

  1. En 1763-1764, les Acadiens libérés des prisons anglaises par le Traité de Paris,
  2. En 1778, les habitants des îles Saint-Pierre et Miquelon et d'autres Acadiens qui s'y étaient réfugiés.


Trois mois après la chute de Louisbourg, les deux premiers navires anglais arrivent à Saint-Malo, plus exactement à Saint-Servan, le jour de la Toussaint de 1758 avec des rapatriés de l'île Saint-Jean et de l'île Royale. Entre cette date et le 9 mars 1759, dix bateaux y débarquèrent entre 1 500 et 2 000 Acadiens.

Les documents de l'époque, conservés aux Archives de la Marine à Brest, désignent ces navires comme paquebots, mais il est fort probable que le confort offert aux passagers n'y était pas particulièrement extraordinaire, car la traversée fut marquée par la mortalité d'au moins du tiers des passagers. Les enfants en bas âge et les personnes âgées furent le plus touchés. Certaines familles furent totalement anéanties. D'autres n'eurent qu'un ou deux survivants, mais d'autres eurent la chance de débarquer au complet. Immédiatement après le débarquement, il y eut encore beaucoup de décès. À tel point, que le recteur (le curé) de Saint-Servan en fait la remarque à la fin du registre paroissial des sépultures de l'année 1759.

Cependant, le nombre des Acadiens était encore trop important pour que ceux-ci puissent être logés à Saint-Malo et à Saint-Servan, qui était des villes déjà très populeuses. Les rapatriés ont donc été répartis dans les 37 paroisses environnantes qui acceptaient de les accueillir. Elles appartenaient à deux départements limitrophes: l'Ille-et-Vilaine et les Côtes-du-Nord.

Ils vécurent là pendant 15 ou 20 ans, parfois même plus, en attendant d'être fixés sur leur sort. Ils y furent rejoints par une partie des Acadiens libérés d'Angleterre qui ils avaient passé sept ans en prison. Les autres avaient été débarqués à Brest, Morlaix, Cherbourg et Boulogne, mais ils vinrent également dans la région quelques années plus tard. En somme, les Acadiens étaient là en transit et attendaient que le roi de France trouve une solution satisfaisante pour les établir.

À cette époque régnait Louis XV. Il était plein de bienveillance envers les Acadiens. Peut-être s'estimait-il moralement responsable de leurs malheurs? Il commença par leur octroyer une solde de six sols par jour et par personne, y compris pour les nouveau-nés. Cela ne compensait certainement pas tout ce qui a été perdu là-bas en Acadie, mais sans doute cela leur permit-il de vivre à peu près décemment. Cette somme correspondait à la solde des militaires en activité. Mais cela excite-t-il peut-être aussi la jalousie des populations locales. Malheureusement, cette solde n'était pas payée avec ponctualité et les Acadiens furent réduits à s'endetter pour survivre.


En 1765-1766, un premier contingent d'Acadiens se vit proposer un établissement. L'abbé Le Loutre y avait très fortement contribué. 78 familles furent dirigées sur Belle-Île-en-Mer, où on leur donna terres, maisons, bétail et outils. La plupart de ces familles étaient de celles qui avaient été déportées en Angleterre en 1755 et qui étaient arrivées en Bretagne deux ou trois ans plus tôt. Cependant, parmi elles, 20 faisaient partie des rapatriés de I’Île Saint-Jean.

Le Marquis Perusse des Cars Les autres Acadiens durent attendre jusqu'en 1773-1774 pour qu'on leur propose de s'installer en Poitou. Louis XV soutenait le projet ambitieux du marquis Perusse des Cars qui voulait appliquer les théories modernes des physiocrates et mettre ainsi en valeur les terres encore incultes du plateau situé entre la Vienne et la Gartempe. La proposition faite aux Acadiens était la suivante: chaque famille recevrait en toute propriété trente arpents de terres (soit environ quinze hectares), une maison, du bétail, des outils, des semences, à charge pour elle de défricher ces terres. Sans doute l'offre fut-elle alléchante ou bien les autorités eussent-elles décidé d'en finir avec le problème acadien, toujours est-il que la presque totalité des Acadiens qui étaient encore en Bretagne fut dirigée sur le Poitou, à l'automne 1773 et au printemps 1774. Malheureusement, la construction des maisons qui leur étaient destinées n'était pas terminée. On en avait prévu plus de cent, mais cinq seulement étaient prêtes. Une fois de plus, les Acadiens durent attendre. Cette fois, l'étape était Châtellerault.

image de la ligne acadienneLa grogne commençait à monter chez les Acadiens. Ils savaient que beaucoup de leurs parents s'étaient installés en Louisiane et l'idée d'aller les y retrouver commençait à germer dans certaines têtes. Ce début d'agitation avait amené le gouvernement royal à décider que les marins et leurs familles seraient ramenées à Nantes. Du coup, plusieurs laboureurs déclarèrent être marins... et cinq convois quittèrent Châtellerault en 1775 pour venir dans le grand port de l'embouchure de la Loire.

On parlait de plus en plus d'un départ massif pour la Louisiane. Toutefois, l'attente à Nantes dura dix ans. Les conditions de vie y étaient précaires pour ceux qui n'y avaient pas trouvé d'emploi et qui n'avaient que la solde pour assurer leur subsistance.

Entre temps, Louis XV était mort et son successeur Louis XVI s'intéressait peu aux Acadiens. Les difficultés financières du royaume étaient énormes et la solde des Acadiens avait été réduite à trois sols par jour à partir du 1er janvier 1778. Elle était toujours versée avec le même manque de ponctualité et les Acadiens en étaient encore réduits à s'endetter. Au moment du Grand Départ pour la Louisiane en 1785, certaines familles attendaient encore des arrérages de solde datant de 1776 : c'est-à-dire que le Trésor Royal leur devait de l'argent depuis neuf ans ! Ces dettes impossibles à rembourser ont empêché certaines familles de partir pour la Louisiane.

Quelles relations les Acadiens entretinrent-ils avec les populations locales pendant tout leur séjour transitoire en France? Les documents d'archives ne les mentionnent pas expressément en tant que tel. Il faut donc les déduire en tirant des conclusions sur le contenu des documents, mais nous entrons dans un domaine éminemment subjectif.

Pour ce faire, les registres paroissiaux des localités d'accueil sont nos principales sources. Pendant les premières années qui suivirent l'arrivée des Acadiens en Bretagne, tous les actes (baptêmes, mariages, sépultures) portent généralement une mention marginale signalant qu'il s'agit d'Acadiens indiquant la provenance des personnes concernées : de l'Acadie, de la colonie de l'Accadie, de la paroisse Saint-Pierre et Saint-Paul, etc. D'autre part, la mention marginale disparaît au bout de dix ans environ et l'origine des personnes concernées devint de cette paroisse même. La conclusion logique est qu'aux yeux du clergé, les Acadiens étaient maintenant totalement assimilés.

Qu'en est-il aux yeux de la population autochtone ? Cela est très variable et semble dépendre essentiellement de la paroisse considérée. Par exemple, à Saint-Suliac, petite localité d'Ille-et-Vilaine de la rive droite de la Rance, où 111 familles acadiennes (soit, près de 500 personnes) vécurent entre 1758 et 1774, il n'y a pas eu un seul mariage mixte Acadien-Breton. Qui plus est, les témoins cités à la fin des actes sont toujours Acadiens pour les cérémonies acadiennes et Bretons pour les cérémonies bretonnes. Ces détails semblent indiquer que les deux populations ont vécu côte à côte tout ce temps-là, sans entretenir la moindre relation entre elles.

Par contre, à Pleudihen, localité des Côtes-du-Nord, sensiblement de même importance que Saint-Suliac et distante d'environ quatre kilomètres, il y eut des mariages mixtes. Peu, mais il y en eut quand même. Le châtelain du village, veuf et sans enfants, adopta légalement un Acadien: Amand Boudrot, dont il fit son légataire et qui devint, après la Révolution, chef de la section locale de la Garde Nationale chargée de maintenir l'ordre sur le territoire de la paroisse maintenant devenue commune. On peut donc dire qu'à cet endroit, il y eut des relations entre Acadiens et Bretons. Il en fut de même dans d'autres localités bretonnes, comme Saint-Enogat (aujourd'hui, Dinard), Saint-Malo et Saint-Servan.

À Belle-Île-en-Mer et en Poitou, les populations autochtones adoptèrent très vite les nouveaux arrivants, ainsi qu'en témoignent les mariages quasi immédiats d'hommes du pays avec de jeunes Acadiennes.

À Nantes également, il y eut des unions mixtes entre Français et Acadiens pendant les dix ans d'attente.

Les Acadiens de France

Le chiffre officiel des Acadiens partis en Louisiane, avancé par l'Intendant de Bretagne lui-même, est de 1 599 personnes. Nous ignorons si ce chiffre inclut les enfants à la mamelle et les nouveau-nés qui, normalement, ne devaient pas être pris en compte pour le calcul du prix du passage en Louisiane. D'autres Acadiens étaient partis de Saint-Malo en 1774: les Robin, marchands de Jersey, les avaient emmenés en Gaspésie pour les faire travailler pour leur compte. Mais un certain nombre d'Acadiens sont tout de même restés en France. Ils y ont fait souche et leurs descendants sont aujourd'hui fort nombreux. Ce sont les Acadiens de France. D'abord localisés dans les régions où les ancêtres acadiens s'étaient définitivement installés: Belle-Île-en-Mer, le Poitou, Nantes, Saint-Malo. Les Acadiens de France sont maintenant, la mobilité professionnelle aidant, disséminés sur l'ensemble du territoire. Mais il existe toujours de gros noyaux dans les régions précitées.


En 1936, le professeur Ernest Martin, de Poitiers, consacrait sa deuxième thèse aux Exilés acadiens en France au 18e Siècle et leur établissement en Poitou, tandis que son mémoire principal s'intitulait L'Évangéline de Longfellow et la suite merveilleuse d'un poème.

Un autre poitevin, Monsieur Blanchard, bien que non acadien, consacra toute sa vie à établir minutieusement la généalogie (ascendante aussi bien que descendante) de 1 200 familles acadiennes du Poitou. Après son décès, son fils déposa ce volumineux et très important travail aux Archives Départementales de la Vienne, où les folios Blanchard sont fréquemment consultés par de très nombreux chercheurs pour qui ce travail est devenu l'ouvrage de référence.

Brusquement, voilà une dizaine d'années, ce fut le réveil. Quel en fut le déclencheur? Il est probable qu'il y en eut plusieurs; cela devait être dans l'air du temps. La généalogie était devenue à la mode et, en se démocratisant, elle prenait un essor considérable. La publication en France de La Sagouine et de Pélagie-la-Charrette consacrée par un Prix Goncourt, ainsi que les apparitions d'Antonine Maillet sur les écrans de télévision firent l'effet d'une bombe. Les Français apprirent l'existence des Acadiens et de l'Acadie.

Est-ce tout cela qui réveilla les Acadiens de France? On peut le supposer...

De toute façon, ce réveil se concrétisa par la création d'associations destinées à regrouper, organiser et entretenir des liens d'amitié entre les Acadiens et leurs cousins d'outre-atlantique; à faire connaître le FAIT ACADIEN.

Source : Texte d’une conférence présentée à la réunion des Brault - Breau – Breault par Monique Hivert-Le Faucheux, à Néguac, N.-B., le 23 juillet 1988. Les cahiers de la Société historique acadienne, VOL. 21, NO 4, 1990


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Photos d'une ferme Acadienne de la ligne Acadienne


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Dernière mise à jour : ( 20-12-2011 )
 
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