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L'histoire acadienne, au bout des doigts

L'Éducation ( les écoles et collèges ) Version imprimable


Les écoles

Une des luttes menées par le Moniteur Acadien fut dirigée contre les nouvelles lois scolaires des trois provinces Maritimes.

Après une certaine libéralité d'action accordée aux écoles françaises et catholiques, La Nouvelle-Écosse passa une loi en 1864, le Free School Act. Celle-ci ne reconnaissait que les écoles publiques et neutres dans la province, portant un coup pratiquement fatal aux écoles françaises et catholiques.


Le Nouveau-Brunswick imita la Nouvelle-Écosse en 1871 en passant le Common School Act qui ne reconnaissait de droit à l'aide gouvernementale qu'aux écoles publiques et neutres. L'opposition manifestée par les catholiques (Acadiens, Irlandais et Écossais) eut des retentissements à Ottawa et même à Londres, créant des remous dans la population. On refusa de payer les taxes scolaires. L'évêque de Saint-Jean se fit saisir sa voiture et les curés, leurs meubles.

Pire encore, des troubles éclatèrent à Caraquet et l'intervention d'une troupe de soldats occasionna deux morts, l'Acadien Louis Mailloux et l'Anglais John Gifford. Neuf Acadiens furent arrêtés et accusés de meurtre. Le procès commença et le premier accusé fut condamné à mort, mais la sentence fut portée en appel et cassée pour vice de procédure. Avec le temps, les esprits se calmèrent, la poursuite cessa et les accusés furent libérés. En 1875, un modus vivendi intervint. Le gouvernement permit aux catholiques d'envoyer leurs enfants dans les écoles de leur choix, il autorisa l'enseignement du catéchisme en dehors des heures de classe et il permit aux religieux de porter leur costume. En 1878, le gouvernement établissait un département de français à l'école Normale de Fredericton et M. Alphé Belliveau en fut responsable de 1880 à 1920.


L'Île du Prince-Édouard emboîta le pas des deux autres provinces en 1877 et vota le Public School Act qui établissait à son tour des écoles publiques et neutres. Les trente écoles catholiques qui existaient en 1877 disparurent.


Avant ces lois scolaires qui établissaient et ne reconnaissaient que les écoles publiques, les Acadiens s'étaient monté un réseau de petites écoles paroissiales où le français et la religion avaient une place d'honneur. Ces écoles étaient assez rudimentaires et offraient seulement le cours élémentaire. Il en sera ainsi longtemps encore, même avec le système des écoles publiques, mais çà et là, des efforts furent faits afin d'obtenir un enseignement plus élevé.

Les Acadiens, de plus en plus conscients de l'importance de l'instruction, obtiennent des religieuses enseignantes du Québec et même de France.

Sur l'Île du Prince-Édouard, les soeurs de la Congrégation Notre-Dame de Montréal étaient venues ouvrir un pensionnat à Miscouche dès 1864, à Summerside et Tignich en 1868, à Souris en 1881 et à Rustico en 1882. En plus de tenir un pensionnat pour filles, ces religieuses enseignaient aux écoles de ces paroisses.

Au Nouveau-Brunswick, la communauté des soeurs de la Charité fondée à Saint-Jean en 1854 avait ouvert plusieurs maisons, dont quelques-unes en milieu acadien, mais cette congrégation de langue anglaise ne répondait pas aux besoins des paroisses acadiennes. Les premières religieuses de langue française, à ouvrir des pensionnats pour filles et à enseigner dans les écoles de cette province, furent les Hospitalières de Saint-Joseph. Ayant accepté dans un geste héroïque de prendre en main le lazaret de Tracadie en 1868, elles commencèrent à enseigner dans les écoles de cette paroisse dès 1873. Cette congrégation ouvrait la même année un pensionnat à Saint-Basile et une académie qui deviendra plus tard le collège Maillet.


Les soeurs de la Congrégation de Notre-Dame de Montréal qui étaient déjà à Newcastle depuis 1863, ouvrirent un pensionnat et une académie pour filles à Caraquet en 1873 et à Saint-Louis de Kent.

En 1903, la Congrégation française des Filles de Jésus ouvrait un couvent-pensionnat à Dalhousie en prenant l'école en charge et elles fondaient une maison à Rogersville en 1904. Enfin, les Filles de la Sagesse arrivaient à leur tour à Edmundston en 1905.


Vers les années 1855, le curé d'Arichat en Nouvelle-Écosse, l'abbé Hubert Girroir, avait fait construire deux académies, une pour les filles et une pour les garçons. Des religieuses de la Congrégation de Notre-Dame de Montréal vinrent prendre la responsabilité de la première (filles) et les Frères des Écoles chrétiennes prirent la direction de la seconde (garçons) en 1860. Mais l'adversité de l'évêque envers le curé et de son oeuvre, ainsi que la loi Tupper de 1864, incitèrent les Frères à laisser Arichat après quelques années d'enseignement et ils s'en retournèrent au Québec. Les religieuses y demeurèrent et fondèrent un couvent à Arichat-Ouest en 1863, mais elles quittèrent la région en 1901. Enfin, les Filles de Jésus arrivèrent à Arichat en 1902 et à Chéticamp en 1903. Elles y sont encore et ont essaimé dans plusieurs autres paroisses.


Les religieuses ne pouvaient pas répondre aux besoins et aux demandes d'un grand nombre d'autres paroisses, c'est pourquoi l'abbé Arthur Melanson, curé de Campbellton, fondait les Filles de Notre-Dame-de-l'Assomption en 1922 et les religieuses acadiennes entrées chez les soeurs de la Charité de Saint-Jean se séparèrent pour fonder les religieuses de Notre-Dame du Sacré-Coeur en 1924.


Dans la région du sud-ouest de la Nouvelle-Écosse, des congrégations enseignantes de langue française ne viendront que très tardivement, soit après l'érection du diocèse acadien de Yarmouth en 1953.

Enfin, la période moderne a vu ces religieuses s'établir dans presque toutes les paroisses acadiennes des trois provinces. D'autre part, la pénurie de vocations les force présentement à en abandonner plusieurs. Heureusement, la relève assurée par des laïcs est abondante.

Des frères enseignants, soit les Frères du Sacré-Coeur, les Frères de l'Instruction chrétienne et les Frères de Sainte-Croix, sont récemment venus prêter main-forte à plusieurs écoles acadiennes du Nouveau-Brunswick.

Les instituteurs et institutrices laïques ont longtemps joué un rôle ingrat et méritoire dans nos écoles. Ils étaient mal payés et travaillaient dans des conditions difficiles. Défavorisés par des écoles Normales anglaises (c'est encore le cas en Nouvelle-Écosse et à l'île du Prince-Édouard), ils compensaient tant bien que mal par leur formation autodidacte et leur dévouement. Les collèges, les cours d'été, mais surtout l'Université de Moncton et sa faculté des sciences de l'Éducation ont changé cet état de choses et nos instituteurs, particulièrement au Nouveau-Brunswick, sont hautement qualifiés.

Depuis 1960, les édifices scolaires se sont grandement améliorés. De grandes écoles modernes, des écoles secondaires, puis des polyvalentes ont été érigées pour desservir toutes les régions.

Le système scolaire lui-même est devenu plus favorable aux Acadiens des trois provinces quant à l'enseignement dans leur langue maternelle. Toutefois, en Nouvelle-Écosse et à l'île-du-Prince-Édouard, même si les gouvernements se montrent plutôt sympathiques, les écoles acadiennes demeurent trop souvent privées des manuels français dont elles auraient besoin. En outre, les examens (en anglais) du ministère d'éducation de la Nouvelle-Écosse sont loin d'être une incitation à l'étude avancée de la langue française.

a) Associations acadiennes d'éducation

En 1919, les Acadiens de l'île du Prince-Édouard fondèrent la Société Saint-Thomas-d'Aquin, une association d'éducation qui est demeurée l'organisme vital de toutes les activités acadiennes de l'Île jusqu'à nos jours.

L'Association acadienne d'éducation du Nouveau-Brunswick fut fondée en 1936. Cet organisme a lutté avec un dévouement et une énergie remarquables pour l'amélioration de l'enseignement français dans les écoles. Fusionnée à la Société Nationale des Acadiens en 1968, elle a cessé d'exister récemment parce que l'Association des instituteurs et la Société nationale pouvaient accomplir efficacement son rôle.

En Nouvelle-Écosse, où les Acadiens sont distribués en deux groupes géographiquement séparés, ceux du diocèse d'Antigonish et ceux du sud-ouest de la province, on a vu surgir deux associations acadiennes d'éducation, celle du diocèse d'Antigonish en 1948 qu'on nomma la Société Saint-Pierre et celle du sud-ouest de la province fondée en 1949.

b) Foyers-écoles

Souvent à l'avant-garde, les Acadiens de l’ile du Prince-Édouard ont fondé des foyers-écoles, des associations qui permettaient aux parents de se réunir avec les instituteurs pour discuter des problèmes scolaires, longtemps avant ceux des deux autres provinces, c'est-à-dire dès 1894.


En Nouvelle-Écosse, les foyers-écoles en milieux acadiens virent le jour peu après 1930. À Chéticamp cette association eut même son journal «École et Famille» durant les années 1939 et 1940.

Au Nouveau-Brunswick, le premier foyer-école fut fondé à Saint-Paul de Caraquet en 1942 par Marguerite Michaud. Cette dernière s'appliqua à promouvoir cette association dans toutes les paroisses acadiennes et aujourd'hui, les Foyers-écoles jouent un rôle important dans la sauvegarde et la promotion des intérêts de nos écoles.

c) Association d'instituteurs

Les congrès nationaux étaient dirigés par des chefs éclairés. Un des besoins cruciaux des Acadiens était l'éducation. Des collèges furent fondés. Une attention constante était portée à l'amélioration des écoles acadiennes et au problème de la formation des instituteurs et institutrices, mais les écoles normales dans chacune des trois provinces étaient anglaises.

Au Nouveau-Brunswick en 1878, Pierre-Amand Landry, alors ministre des Travaux publics, avait obtenu l'établissement d'un «département préparatoire» pour les candidats acadien à l'école normale de Fredericton et Valentin Landry en fut responsable. Alphée Belliveau succéda à Landry en 1880, et ce département devint un département français de l'école normale en 1885.


Cependant, le français demeura le parent pauvre jusqu'en 1936, date où on commença à lui donner un peu plus d'importance. En Nouvelle-Écosse, l'unique école normale fut établie à Truro en 1854. Les Acadiens pouvaient y obtenir un brevet d'enseignement, mais aucune formation dans l'enseignement du français, ce qui constituait une tragédie pour les écoles acadiennes de cette province. Le problème était identique à l'île du Prince-Édouard. L'unique école normale de Charlottetown était anglaise.

Les Acadiens cherchèrent d'abord à remédier à cette situation par des congrès pédagogiques. L'île du Prince-Édouard eut le sien dès 1893 et un grand congrès pour les Maritimes eut lieu à Saint-Louis de Kent (N.-B.) en juillet 1911. Les cours d'été pour les enseignants et la création d'associations d'instituteurs trouvèrent leur origine dans ces congrès.

Des cours d'été eurent lieu à l'Île dès l'année 1936 et ils durèrent quelques années. Des professeurs chevronnés du Québec venaient faire bénéficier de leur compétence les instituteurs et institutrices de l'Île. Des cours d'été commencèrent au collège de Bathurst en 1936 également et au collège Saint-Joseph en 1938. Les cours de Bathurst et de Memramcook ne furent reconnus par le ministère de l'Éducation qu'en 1948. Des cours semblables furent organisés au collège de Church Point pour les instituteurs acadiens de la Nouvelle-Écosse en 1941. Ils eurent un grand succès durant quelques années, mais furent interrompus en 1946 faute d'étudiants. Enfin, le collège Saint-Louis d'Edmundston a commencé des cours d'été en 1960.

Les Acadiens de l'île du Prince-Édouard fondèrent une Association d'instituteurs dès 1893. Ceux du Nouveau-Brunswick la créèrent à même l'Association acadienne d'éducation du Nouveau-Brunswick et, dès les premières années de celle-ci, des cercles pédagogiques qui devinrent en 1946 un organisme indépendant sous le nom de l'Association des instituteurs acadiens (A.I.A.). Enfin, la Nouvelle-Écosse fonda la sienne en 1948.

Les collèges

Les Acadiens commençaient à se préoccuper de plus en plus d'éducation. En 1874, le curé de Saint-Louis de Kent l'abbé François-Marcel Richard qui avait ouvert une académie pour les filles ouvrit un collège classique dans sa paroisse. Un prêtre français, l'abbé Eugène-Raymond Biron, sur les conseils de Rameau de Saint-Père, vint s'y dévouer ainsi que d'autres ecclésiastiques acadiens ou québécois. La pénurie de personnel et des difficultés multiples rencontrées avec l'évêque, Mgr James Rogers, entraînèrent sa fermeture en 1882 et l'abbé Richard fut envoyé curé dans la colonie naissante de Rogersville.


Le collège Saint-Joseph, fondé à Memramcook par les Pères de Sainte-Croix, fonctionnait depuis 1864 et permettait à quelques centaines d'étudiants acadiens de s'instruire. Mais vu la difficulté des moyens de transport et de communication, ce collège desservait plus facilement la région du sud-est du Nouveau-Brunswick. Or le besoin d'éducation supérieure se faisait de plus en plus sentir dans les autres régions françaises des Maritimes.

Au sud-ouest de la Nouvelle-Écosse, des prêtres, dont les abbés Alphonse Parker et Jean-Marie Gay, créèrent la fondation Sigogne afin de recueillir des fonds en vue d'établir un collège français dans cette région. À la demande de Mgr Cornelius O'Brien, archevêque d'Halifax, les Pères eudistes acceptèrent d'ouvrir ce collège classique à Church Point en 1890.

En même temps, dans le nord du Nouveau-Brunswick, des efforts étaient entrepris pour fonder une institution semblable. Préparé par l'abbé Théophile Allard, curé de Caraquet, un collège fut ouvert à cet endroit en 1899, également par les Pères eudistes. Un incendie l'ayant détruit en 1915, on transporta l'institution à Bathurst. En 1975, il fermait ses portes en tant que collège classique dans le but de devenir un institut français de technologie.

Un externat classique, le collège L'Assomption, ouvrit ses portes à Moncton en 1943, mais les ferma en 1964 après la fondation de l'Université de Moncton.

Le collège Saint-Louis d'Edmundston (N.-B.) fut fondé en 1946 et confié aux Pères eudistes. Les Acadiens des Maritimes par leurs activités et leurs contacts s'attiraient des sympathies de l'extérieur.

Au Québec, tous les collèges classiques accordèrent chacun une bourse (cours et pension) à un étudiant acadienne pendant plusieurs décennies.

En France, Émile Lauvrière fonde en 1920 le Comité France-Acadie et obtint du gouvernement français une bourse annuelle pour des Acadiens. Aujourd'hui, la France accorde plusieurs bourses chaque année.

Jusqu'ici, seuls les garçons avaient la possibilité d'accéder à une éducation supérieure dans ces collèges. Les filles n'y étaient pas admises. Pour remédier à cette déficience, les religieuses de Notre-Dame-du-Sacré-Coeur fondèrent le collège Notre-Dame-d'Acadie à Memramcook en 1943, qui fut transféré à Moncton en 1949. Les religieuses Hospitalières de Saint-Joseph fondèrent le collège Maillet à Saint-Basile en 1949 et les religieuses de Jésus-Marie établirent le collège Jésus-Marie à Shippagan en 1960. Ces collèges féminins étaient affiliés respectivement au collège Saint-Joseph, à celui de Saint-Louis et à celui de Bathurst. Lors de la fondation de l'Université de Moncton, les autorités du collège Notre-Dame-d'Acadie décidèrent d'y transférer leurs effectifs d'étudiantes.




Source :
Petit manuel d'histoire d'Acadie, Les Acadiens de 1867 à 1976, Librairie Acadienne, Université de Moncton, Père Anselme Chiasson, 1976



Dernière mise à jour : ( 31-07-2008 )
 
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