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L'histoire acadienne, au bout des doigts

La Déportation Version imprimable

 

L'attitude anglaise envers les Acadiens s'est durcie depuis que la guerre a éclaté en Amérique. Avec l'anéantissement des forces françaises dans la région, Lawrence décide de régler une fois pour toutes la question du serment et, du même coup, le sort des Acadiens.

Peu avant la prise du fort Beauséjour, le capitaine Murray, en poste au fort Edward à Pigiguit, confisque les armes et les bateaux des Acadiens des Mines. Le 3 juillet, des délégués Acadiens viennent rencontrer Lawrence et son conseil pour présenter une pétition à ce sujet. Profitant de l'occasion, Lawrence insiste pour que les délégués prêtent serment, mais ceux-ci refusent de signer sans consultation générale. Du coup, ils sont emprisonnés. On convoque ensuite une centaine de députés de la région d'Annapolis et des Mines qui, les 25 et 28 juillet, refusent également de prêter un serment sans condition; ils sont emprisonnés à leur tour.

Le conseil décide à l'unanimité de déporter les Acadiens dans les différentes colonies américaines. Le plan de Lawrence est d'expulser les Acadiens et de les remplacer par des colons de la NouvelleAngleterre. Le 31 juillet, il donne ses instructions et déploie les forces anglaises (2 000 Coloniaux et 250 soldats britanniques) de la façon suivante: le colonel Robert Monckton à l'isthme de Chignectou, le colonel John Winslow dans le district des Mines, le capitaine Alexander Murray à Pigiguit et le major John Handfield, déjà en poste à Annapolis, est chargé de son district.

Lawrence donne l'ordre de capturer les hommes et de les détenir en attendant le départ des bateaux. Pour empêcher la population de fuir, on confisque les embarcations, on saisit le bétail et les céréales et on surveille les routes. Il y a résistance acadienne et amérindienne, mais les forces dirigées par Boishébert sont trop faibles pour éviter la tragédie.

À Beaubassin, Monckton s'installe au fort Beauséjour, rebaptisé Cumberland. Le11 août, obéissant à la convocation émise un peu plus tôt par Monckton, 400 hommes se présentent au fort. On leur annonce qu'ils sont considérés rebels, qu'on confisque leurs terres et cheptel et qu'ils sont désormais prisonniers.

La région confiée à Monckton compte de nombreux établissements éparpillés sur les rivières Chipoudy, Petcoudiac et Memramcook, ce qui permet à plusieurs familles acadiennes de fuir. Les militaires chargés de fouiller ces endroits ramènent peu de prisonniers mais brûlent tout sur leur passage: maisons et récoltes. À la Petcoudiac par exemple, l'expédition commandée par le capitaine Frye doit faire face aux hommes de Boishébert. Frye se retire au fort Cumberland, emportant quelque 23 femmes et enfants avec lui et détruisant plus de 200 bâtiments et une grande quantité de blé et de lin.

Le 10 septembre, on commence l'embarquement. Le 13 octobre, une flotte de 10 navires quitte l'isthme de Chignectou à destination de la Caroline du Sud, de la Pennsylvanie et de la Géorgie avec à son bord environ 1 100 personnes. Après un arrêt aux Mines, pour embarquer d'autres Acadiens, les navires partent finalement le 27 octobre.

Aux Mines, Winslow et Murray se partagent la tâche. Winslow s'installe à Grand-Pré le 19 août et établit ses quartiers dans l'église et le presbytère. Le 5 septembre, Winslow et Murray convoquent tous les hommes: 418 sont faits prisonniers à l'église de Grand-Pré et 183 au fort Edward. Winslow est soucieux du fait que le nombre de prisonniers dépasse celui des soldats. Informé de l'aventure de Frye et craignant une rébellion, il décide de diviser les prisonniers et fait monter 230 jeunes hommes à bord des cinq bateaux présents.

Comme dans la région de Chignectou, certaines familles réussissent à prendre la fuite. À l'arrivée de nouveaux transports, le 8 octobre, on entreprend l'embarquement. C'est un temps de confusion et de désolation. Le 1er novembre, plus de 1500 Acadiens entassés sur des bateaux sont déportés au Maryland, en Pennsylvanie et en Virginie. Murray réussit à embarquer toute la population de Pigiguit (environ 1000). À Grand-Pré, il ne reste plus que 600 personnes qui, le 13 décembre, sont déportées à leur tour. On procède ensuite à la destruction des villages.

À Annapolis Royal cependant, les événements sont moins contrôlés. Hanfield a décidé de ne regrouper les hommes qu'une fois les transports arrivés et bon nombre d'habitants en ont profité pour fuir. Le 3 novembre, on incendie les villages des deux côtés de la rivière et après une battue, on capture 600 personnes. Au mois de décembre, plus de 1600 Acadiens sont déportés au Massachusetts, au Connecticut, à New York et en Carolines du Nord et du Sud.

Dans la hâte et la confusion, plusieurs familles sont démantelées. La déportation est synonyme de destruction et de mort. Toutefois, ce n'est pas tant l'opération militaire que les voyages sur les navires qui sont la cause d'un grand nombre de mortalités. Par exemple, le "Cornwallis" qui quitte Beaubassin avec 417 Acadiens à son bord ne compte à son arrivée à Charleston que 210 survivants, ce qui illustre bien les conditions de vie sur les bateaux. La mauvaise alimentation, l'entassement et la maladie, notamment une épidémie de petite vérole, emportent de nombreuses vies.

Il est difficile de calculer exactement le nombre de déportés. Quant aux Acadiens embarqués à destination des colonies américaines on avance cependant les chiffres suivants:

  • 900 au Massachusetts,
  • 675 au Connecticut,
  • 200 à New York,
  • 700 en Pennsylvanie,
  • 860 au Maryland,
  • 290 en Caroline du Nord,
  • 955 en Caroline du Sud,
  • 320, en Géorgie,
  • 1 150 en Virginie.

Toutefois, la Virginie a refusé d'accueillir les Acadiens et en 1756, les a envoyés en Angleterre,

La Déportation se poursuit. En 1756 par exemple, on emmène environ 70 personnes de Poboncoup. Les Acadiens réfugiés à l'Île Saint-Jean n'échappent pas au malheur. La seconde déportation massive a lieu en 1758. Après la prise de Louisbourg, Lord Rollo s'arrête à l'île Saint-Jean afin d'en déporter la population. Pendant qu'on vide les grands centres, environ 600 personnes réussissent à fuir vers la Miramichi et vers le Canada. Néanmoins, les Anglais mettent la main sur 3 500 Acadiens qu'ils envoient en Angleterre et en France. En cours de route, deux des neuf navires du convoi sombrent avec 700 personnes à leur bord.

De 1758 à 1763, les réfugiés sont pourchassés et déportés. À Halifax, on détient environ 2 000 Acadiens en attendant l'expulsion. En 1760, on déporte 300 prisonniers en France. La dernière déportation a lieu en 1762 alors que 1300 Acadiens sont envoyés à Boston. Le Massachusetts refuse cependant de les accueillir et ils sont ramenés à Halifax où ils sont détenus comme prisonniers de guerre.

Bon nombre d'entre eux sont employés à travailler sur d'anciennes terres acadiennes ou aux fortifications de la citadelle.

Les gouverneurs des colonies sont informés de l'arrivée des déportés par une lettre que Lawrence a confiée aux capitaines des navires. Cet afflux d'exilés est loin de les enthousiasmer puisque les colonies sont majoritairement protestantes et anticatholiques. De plus, la présence des Acadiens n'est guère appréciée à une époque où un conflit, notamment la guerre de Sept Ans, oppose Français et Anglais.

Éparpillés dans les colonies, les Acadiens vivent à la charge de l'État, leur sort étant confié à ceux qui s'occupent des pauvres. Il arrive que l'on retire des enfants de leur famille afin qu'ils soient placés chez des paroissiens riches. Plusieurs familles sont ainsi séparées. À la recherche de parents, plusieurs errent à travers les colonies. Certains présentent des pétitions aux autorités. Bon nombre refusent d'être absorbés dans ces milieux anglophones. Au Maryland et en Pennsylvanie, les déportés demandent à être traités comme des prisonniers de guerre.

Dans les colonies du sud, l'assistance et la surveillance des réfugiés sont moins bien organisées et l'accueil est encore plus hostile que dans les colonies du nord. En Virginie, la crainte que les Acadiens n'organisent une cabale avec les esclaves motive la décision des autorités de les renvoyer en Angleterre. En 1756, les gouvernements de la Caroline du Sud et de la Géorgie autorisent le départ d'environ 250 Acadiens à bord de petites embarcations. Inquiet, Lawrence envoie une lettre circulaire aux gouverneurs leur demandant d'empêcher le retour des déportés en NouvelleÉcosse. La plupart sont capturés à New York et au Massachusetts, mais une cinquantaine réussissent quand même à gagner le fleuve Saint-Jean.

 

 

 




Source:
"La Déportation des Acadiens", Publié en vertu de l'autorisation du ministère de Approvisionnement et Services Canada, 1986, environnement Canada (Parcs)


Dernière mise à jour : ( 12-07-2008 )
 
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